collectifsanticra – Actualités sur les CRA https://cracra.blackblogs.org One more Blackblog Thu, 29 Nov 2018 22:24:08 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.7.1 La police s’est arrêté pendant 20 minutes y avait du soleil on n’avait pas le droit de respirer https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/11/29/la-police-sest-arrete-pendant-20-minutes-y-avait-du-soleil-on-navait-pas-le-droit-de-respirer/ Thu, 29 Nov 2018 22:24:08 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=253 Témoignage de Baye Fall, 2018

Arrestation

On m’a arrêté le 8 juin. Le matin, je partais au travail, la police m’a arrêté et m’a demandé ma carte de séjour mais je n’avais pas de carte de séjour. Ils ont vu le papier que l’Allemagne m’a donné quand j’ai demandé l’asile là-bas, après ils m’ont dit c’est une carte de séjour, je leur ai dit que non c’est une demande en Allemagne. Ils m’ont dit, tu pars où ?  J’ai dis, je pars au travail. Est ce que tu as une adresse ici ? J’ai dit oui j’ai une copine ici j’habite avec elle. J’ai fais un an en Allemagne, un an en France, et je vis avec elle, l’adresse est là. Il y avait 3 policiers, une fille et deux garçons, y a un noir. Les policiers blancs ils m’ont dit ok va au travail comme tu es en retard, vas au travail, parce qu’il est 7 heures du matin, j’ai dit ouais ok. Je commençais à partir et le policier noir m’a appelé il m’a dit non comme tu as pas les papiers tu dois nous suivre. J’ai dit OK pas de problème et je suis parti avec eux. Ils m’ont fouillé et après on est parti à la police dans le 12ème arrondissement. Dans la voiture, on était 11 personnes. J’ai entendu les policiers qui disaient on est à combien aujourd’hui ? Et un policier a dit, on a 11 personnes. J’ai entendu le policier noir qui m’a arrêté dire oui on a gagné. Et je leur dit on a gagné quoi, juste pour arrêté les gens et tout ça, des sans papiers, on a gagné quoi ?

Après on est parti là-bas, ils ont pris mes empreintes, ils m’ont demandé si j’avais un avocat, j’ai dit non j’ai pas d’avocat.

Je suis resté là-bas jusqu’à 16h et après ils m’ont enregistré, ils m’ont même pas écouté, ils m’ont dit il faut que tu signes ici, j’ai dit non, parce que j’ai pas compris, il faut que je lise avant de signer, il y a une policière qui m’a dit non, on t’a arrêté t’es sans papier, tu dois partir au CRA. J’ai dit CRA, je connais pas CRA, c’est quoi ? C’était la première fois que j’entendais le mot CRA, je savais pas. Elle m’a dit centre de rétention tu dois partir là bas. J’ai dit comment mais je dois lire les papiers que tu m’as donné parce que je comprends pas. Elle m’a dit non comme on t’a arrêté tu dois forcément partir là-bas. J’ai dis ok y a pas de problème. Il y avait un autre policier qui m’a entendu qui a demandé mon adresse je lui ai donné et après ils sont partis avec moi, ils m’ont menotté dans la voiture, et on est parti jusqu’au CRA. C’était le 8 juin, le même jour. Vers 16h05 je suis arrivé au CRA. C’était ça le commencement quoi et c’était dur, dur, dur même parce que c’était la première fois de ma vie que la police m’arrête et me demande des trucs comme ça franchement mais c’était trop dur pour moi quoi.

Centre de rétention administrative CRA (Vincennes)

Quand je suis arrivé, j’ai vu beaucoup de gens là bas, il y avait beaucoup de personnes, beaucoup de nationalités différentes, beaucoup de Sénégalais, des Maliens, des Ivoiriens, des arabes aussi, des maghrébins. On est arrivé, les Sénégalais m’ont accueilli, ils m’ont expliqué comment ça se passe. Je comprenais rien, c’était la première fois, je comprends pas quoi. Après on nous a donné une chambre avec d’autres personnes, j’étais avec un Malien, et il y avait beaucoup de monde et les repas ne sont pas bons, on ne mange pas très bien.

La journée on fait rien car on n’a pas le droit d’avoir de téléphone avec internet ou wifi dedans on a juste un petit téléphone juste pour appeler et répondre. La journée tu manges après tu dors, jusqu’à 18h. On te réveille tu manges le soir et tu regardes la télé après tu vas dormir encore, tu fais rien ou bien des fois tu discutes avec tes amis. Juste ça. Toute la journée on fait rien du tout, rien du tout.

Y a des policiers sympas et d’autres moins qui nous traitent comme des criminels. Y en a ils sont trop sympas, ils nous conseillent et même quand tu pars au jugement ils te donnent du courage mais y a d’autres franchement c’est n’importe quoi. Ils te maltraitent, ils croient que tu es un criminel, ils te surveillent de gauche à droite, ils croient que tu vas faire des bêtises, ils te respectent même pas, tu demandes quelque chose ils refusent.

Les violences policières

J’ai vu un marocain, qui a été frappé, il était même malade. Ils l’ont frappés parce qu’ils se sont disputés. Ils ont dit t’as pas le droit de faire ça, t’as pas le droit de faire ça… Il a dit oui on a le droit de faire ça, ils se sont disputés et après le policier l’a frappé, il a appelé les renforts, les gens ils sont venus ils l’ont frappé. Ils étaient au nombre de 4, 3 hommes et une fille. La fille elle appelait les autres en renfort. J’étais un témoin, j’étais à côté d’eux.

Ils le frappaient à coups de poing, ils frappaient partout. Et le marocain il a commencé à se défendre. Les autres marocains ils sont venus, ils commençaient à faire des trucs aussi. Les policiers sont venus et après ils les ont arrêtés. Après le gars ils l’ont mis en garde à vue pour 48 heures. Quand il est revenu il avait des traces.

Les retenus

Il y avait un vieil Algérien, il m’a dit il a fait 40 ans en France, quand il est venu il avait 32 ans, il a 72 ans. Il y avait un autre vieux aussi, la cinquantaine. Je suis sorti avant lui mais un ami m’a dit qu’il a été renvoyé en Algérie. Il a fait 40 ans ici et on l’a arrêté comme ça quoi. Il y avait un vieux russe, de 65 ans aussi, il était en France depuis 4 ou 5 mois. Il a fait 44 jours de CRA. Il a dit qu’il risquait sa vie en Russie, c’est pourquoi il est venu en France pour demander l’asile mais il a été expulsé en Russie.

Les repas

Là bas on n’a pas le droit de manger le matin. On mange à midi, on nous donne des plats, y a du riz de la salade, et du pain aussi, des trucs comme ça et après le soir vers 18 heures on nous donne les mêmes trucs aussi et j’ai entendu une femmee qui travaille là bas qui m’a dit ça secrètement, y a des trucs qu’on met sur les repas, si tu as de l’argent ne mange pas ces repas là, parce qu’on met des trucs pour que vous dormez, pour pas avoir de force… parce que moi je me souviens à chaque fois je dors, nous tous on dort on n’a pas la force on dort tous les jours, c’est une policière qui m’a dit ça. Elle m’a dit si tu peux éviter de manger ces repas là il faut l’éviter c’est pas bon. Mais après comme on n’a pas d’argent, on est des sans papier on travaille pas, il faut qu’on mange, c’est ça il faut qu’on mange.

Si tu as de l’argent tu achètes des biscuits, y a une petite boutique là bas qui ouvre de 9h jusqu’à 11h voire midi et de 20h jusqu’à 21h tu peux acheter des biscuits, du coca cola des cigarettes ou des trucs comme ça ou bien si tu as des visites eux peuvent t’amener des choses à manger mais juste des biscuits on n’a pas le droit d’avoir du riz ou des choses comme ça quoi. Et c’est pas tous les jours qu’on a des visites. Donc tu manges ce que tu as et après…

Là-bas on te donne une carte avec ta photo et on te donne un ticket à l’accueil, avec tu pars à la cuisine et après c’est eux qui vont te donner à manger. C’est des personnes différentes mais y a des gens sympas. Un jour je me suis disputé avec une dame, parce qu’elle m’a traité de gourmand et moi je suis pas comme ça. Parce qu’elle donne les yaourts moi j’ai oublié de le prendre j’y suis retourné et elle m’a dit non tu es resté une heure de temps pour recevoir ton truc qu’est ce que tu veux que je te donne de plus. Mais le yaourt tu ne m’en a pas donné, c’est un yaourt qui coute même pas 50 cts. Elle m’a dit non je t’ai donné, vous les africains vous êtes comme ça… Elle c’est une algérienne, elle me dit vous les africains, les sénégalais vous êtes comme ça gourmands des trucs comme ça. Il faut pas me traiter comme ça moi je suis pas comme ça, on vient juste de se connaître ici, tu travailles moi je suis là, ne me traite pas comme ça. Après elle me dit, ça fait une heure de temps que tu es à, tu es passé deux fois… j’ai dit non et nous on a le droit de manger une seule fois ici et comment je peux venir deux fois ? Y a une policière qui est venue qui a parlé avec la dame et qui a dit non ce monsieur-là il vient juste d’arriver y a même pas 5 minutes donc si il a demandé un yaourt tu as le droit de lui donner mais t’as pas le droit de le traiter comme ça. Je me suis énervé je l’ai traitée de sale raciste et j’ai regretté car c’est une personne comme moi mais je l’ai traitée de tous les noms franchement. Ils favorisent franchement leurs compatriotes quoi. La dame là, elle donne des trucs en cachette mais ça c’est pas mon problème, c’est pas grave pour nous mais aussi y a des femmes là-bas qui sont très sympas, mais elle, elle est n’est pas trop sympa franchement elle était trop raciste elle voulait même pas me voir, elle était trop raciste. C’est n’importe quoi je ne peux même pas expliquer des trucs comme ça car ça me fait mal très mal.

Les parloirs

Dans les parloirs on est avec des policiers à côté. Ils écoutent tout. Un jour ma cousine est venue me voir, on parlait et y a un policier qui m’a dit Monsieur ce que tu dis là c’est pas bon, tu dois pas dire ça, c’est pas normal, c’est la loi…  Après ils ont même commencé à discuter entre eux. J’ai dit c’est pas la peine quoi. Après un visiteur a dit à la policière t’as pas le doit de m’écouter quand même j’ai le droit de parler avec lui quand même. Normalement c’est 30 minutes mais ce jour là c’est 20 minutes tu dois quitter. Elle habite Orly elle est venue jusqu’ici pour me voir mais c’était pas trop bien… Un jour ma copine aussi s’est disputée avec les policiers parce qu’il voulait la fouiller, ils se sont disputés.

Vous avez le droit de vous toucher les mains, de parler, de faire des câlins, y a des policiers ils disent non t’as pas le doit de faire ça et y a des policiers qui sont sympas ils te disent rien tu fais ta vie après y a pas de problèmes.

Et aussi ce qui m’étonne c’est l’accueil, là où on met les visiteurs, moi franchement ça me fait très, très mal. Quand je suis retourné là-bas chercher mes bagages, ce n’était pas trop bon pour les visiteurs. Ils restent au soleil, y a pas de toilettes, on vient vous annoncer les gagnants d’aujourd’hui. Le gagnants d’aujourd’hui ça veut dire quoi : les gens qui ont gagné d’aller voir les retenus, venez ! Et il prend 2, 3 personnes, 3 personnes maximum ils font 30 minutes sauf le samedi et le dimanche c’est 20 minutes.

Juges

Quand tu as rendez-vous avec le juge à 9 heures, ils te réveillent à 7 heures du matin. Tu dois attendre jusqu’à 9 heures pour partir. Tu as rien le droit de faire, tu dois rester à côté, tu ne fais rien du tout, on te donne même pas à boire. Moi je suis parti 4 fois en jugement y a une fois je suis parti avec des gens, des blancs, avec des filles, des meufs qui m’ont donné des trucs, à boire à manger. Y a des policiers franchement ils sont sympas.

Le 1er jugement n’était pas très bon parce que les policiers ont fait n’importe quoi là-bas. Je leur avait donné mon adresse mais ils en ont écris une autre. Le juge m’a dit tu es en France et tu as deux adresses, donc tu dois partir en Allemagne. J’ai dit Ok mais moi j’ai pas signé ça, il y a même écrit « refus de signé », moi j’ai une seule adresse là où je vis avec ma copine, et l’adresse est là et ma copine est là devant toi monsieur le juge. Il a dit non, tu as deux adresses différentes, tu dois partir en Allemagne. J’ai dit y a pas de problème, si l’avion part aujourd’hui je pars avec y a pas de problème.

J’avais un vol prévu le 6 juillet, mais le juge m’a libéré à mon second jugement le 30 juin parce qu’ils avaient oublié de me donner un papier, qui s’appelle brochure, que je devais lire et signer mais je ne l’ai pas lu ni signé.

Les allemands ont accepté mon transfert le 21 juin et moi je l’ai reçu le 26. J’ai dit c’est pas normal que je le reçoive le 26, la policière m’a dit si et tu dois signer. J’ai dit est ce que je peux lire avant de signer elle m’a dit non tu as pas le droit. Tu signes et après tu pars dans ta chambre. J’ai dit il faut que je lise je peux pas signer il faut d’abord que je lise. Elle m’a dit non il y a beaucoup de gens ici qui attendent tu dois partir tu prends tes papiers, tu signe et tu pars. Mais comme c’est la police on ne peut rien faire, j’ai signé, je ne savais même pas ce que je signais mais j’ai signé. Mais ils ont oublié de me donner la brochure, et l’avocat il a plaidé sur ça. Le juge a demandé à l’avocat du préfet est ce que vous avez la brochure ici avec vous. Il a dit non. Après le juge m’a libéré.

Et moi ce qui m’étonne le plus, c’est quand tu pars au jugement. On te mets dans une voiture de police et on ferme les portières comme un tueur ou bien un criminel peut-être qui a tué des centaines de personnes. On te ferme la porte t’as pas le droit de respirer y avait un jour même un jour un sénégalais il risquait de mourir parce qu’il faisait trop chaud. Il y avait deux policiers dans la voiture un devant et un à côté de nous. Ils ferment la voiture avec deux verrous un en haut de la portière et un en bas et il y avait des petites grilles et une fenêtre et même si tu respires tu n’arrives même pas à respirer. La police s’est arrêté à côté de la porte de Clichy pendant 20 minutes y avait du soleil on n’avait pas le droit de respirer même moi ça me faisait trop mal. Parce que la voiture était trop chaud, il faisait trop chaud ce jour là, il faisait 30 ou 35 degrés ce jour-là, on n’arrivait même pas à respirer.

Le gars a demandé monsieur le policier s’il vous plait est ce que vous pouvez ouvrir les fenêtres pour que l’on puisse respirer et ils n’ont même pas répondus. Ils ont dit non attendez quelque minutes dans 20 minutes on va partir… C’était très dur.

Mais quand on est sorti, eux ils donnent même pas de l’eau pour boire, c’est ça le problème, t’as pas le droit de boire, même au tribunal ils ne te donnent pas de l’eau. On te donne juste un petit truc que tu manges, un petit bout de pain mais on te donne pas d’eau pour boire. Ce jour là, le gars il risquait de mourir franchement, c’était trop dur pour lui. Finalement on est arrivé, il avait transpiré, il était énervé il a même commencé à insulter les policiers c’est moi qui l’ait calmé.

Y a des juges qui sont sympas, franchement le juge qui m’a libéré il était trop sympa. Mais le plus grand problème ce sont les avocats commis d’office, des avocats qui ne te respectent même pas qui ne te défendent même pas alors que tu as des arguments. Parce qu’ils respectent pas tes droits depuis la police jusqu’au cra. C’est l’assfam qui t’aide l’avocat il te dit rien. D’accord ce n’est pas un avocat que tu as avec tes propres moyens mais c’est un avocat que l’état t’a donné il doit te défendre. Et il n’a rien fait du tout. Mais les juges aussi ça dépend si ton avocat joue bien avec toi, peut être il peut te libérer, mais si il fait pas son travail, le juge il ne peut rien faire. Mais moi mon avocat il était trop bon.

Il faut que les gens pensent que les sans papier sont des êtres humains, moi je ne suis pas un criminel, je suis pas un voleur, je suis juste un sans papier qui vit en France mais ils savent pas qu’on nous met dans des conditions horribles. Un sans papier c’est un sans papier, soit tu le libères, soit tu les renvois dans son pays ou là où il a fait sa demande d’asile mais les procédures sont trop longues. Moi je suis d’accord pour qu’on emprisonne les voleurs, les criminels mais pour les sans papiers juste parce qu’il n’a pas de papier ça pour moi c’est du n’importe quoi. Et là bas tu vis avec les voleurs, avec les criminels, qui mettent ta vie en danger à n’importe quel moment, y a des jeunes qui n’ont pas la force de se défendre et les policiers ils ne peuvent rien faire, si ils vous battent ils s’en foutent. Y a des gens c’est eux qui font la loi, pour moi à mon avis les centres de rétention franchement ici ils devraient même, peut être je sais pas comment ils devaient faire… je sais pas mais… je sais pas ce qu’ils peuvent faire mais c’est autre chose quoi, c’est autre chose.

]]> Violences quotidiennes au Centre de Rétention, un retenu commence une grève de la faim https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/07/04/violences-quotidiennes-au-centre-de-retention-un-retenu-commence-une-greve-de-la-faim/ Wed, 04 Jul 2018 09:56:15 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=236 Chroniques des dernières semaines au Centre de Rétention du Mesnil Amelot. Après des rencontres, et des heures passées à discuter, nous avons rédigé cet article à partir des propos des retenus. Ils racontent comment, en plus d’être enfermés et de craindre d’être expulsés chaque jour, tout est fait pour que leur quotidien entièrement soumis à l’arbitraire policier soit insupportable. 

Il faut prendre ces propos dans un contexte déterminé. On est en fin de semaine quand les dernières paroles ont été prononcées. Les retenus ont subi le harcèlement de la police et du service médical toute la semaine. Comme un retenu l’indique, l’équipe de la semaine a été particulièrement violente. Au CRA 3 du Mesnil Amelot, il y a 2 équipes qui tournent chaque semaine. L’une d’entre elle, régulièrement, est pointée du doigt par les retenus, pour être plus violente que l’autre. 

A cela, il faut ajouter qu’un des retenus, le samedi, faisait son 45ème jour de CRA. Il devait être libéré. Il avait refusé de voir le consulat 3 fois et accepté la 4ème. Les 3 refus peuvent constituer un délit. On criminalise chaque geste des étrangers qui cherchent à enrayer la machine policière implacable qui s’abat sur eux. Celui-ci devait donc être amené en GAV le soir de sa libération, ils l’avaient prévenu. Sans raison, ils l’attrapent violemment le matin et l’emmènent au greffe, l’y séquestrent. Plusieurs fois, nous lui avons parlé, entendant derrière lui les provocations de la police, refusant de lui prêter un stylo pour qu’il écrive le nom d’un avocat, refusant qu’il appelle un avocat, l’insultant ou lui parlant comme à un chien. Puis il a été emmené, avec sur lui le téléphone d’un ami et le nom d’un avocat. L’avocat n’a jamais été prévenu et son ami n’a pas reçu le coup de fil qu’il aurait dû recevoir. Il y a donc clairement eu un déni d’accès au droit. Au final, sans pouvoir rien faire, nous avons appris qu’il a écopé d’une peine de 5 mois de prison. Au téléphone, ses amis co-retenus parlent de « triple peine »: prison-CRA-prison. Une boucle qui peut ne pas s’arrêter.

Quelques jours plus tard, il arrive la même chose qu’à l’un de ses camarades. Il attend de passer en comparution immédiate.  

 

N. Moi je suis arrivé ici depuis 34 jours. Ils m’ont attrapé dans un contrôle à la gare routière de M. J’allais juste chercher mon AME… Je rentrais chez moi, j’attendais le bus, et là, contrôle et garde-à-vue. En garde-à-vue, je ne connaissais rien, et ils m’ont même pas proposé d’avocat.

J’ai la clavicule déboitée. Il y a 15 jours, l’infirmière du CRA m’a emmené à l’hôpital. Mais le médecin m’a dit « il n’y a rien ». Mais je souffre vraiment.

Et la police, elle parle parfois bien, parfois pas bien. J’essaye de les éviter pour pas créer de problème. Des fois ils t’insultent. Ça dépend des équipes. Ils nous bloquent pour rentrer dans la Cimade, on n’a pas de droit.

G. Un ami est venu m’apporter un sandwich en visite. Le policier m’a dit que j’avais pas le droit de rentrer dans le box de visite. Il m’a dit « c’est pas un squat ici ». J’ai fait la guerre avec eux, d’autres policiers sont arrivés, j’ai parlé gentiment avec eux et ils m’ont dit d’aller manger le sandwich.

Des fois ils nous laissent manger, des fois non. Avant-hier ils nous ont laissé rentrer à deux en visite et on a pu manger.

Ils font ce qu’ils veulent, la loi c’est entre eux, c’est pas la loi qu’il y a dans le règlement. Ils croient qu’on est des chiens mais on est pas des chiens.

Maintenant je peux aller en prison, je m’en fous.

Les policiers bloquent le couloir [d’accès à la Cimade et à l’infirmerie], ils veulent jouer avec nous, ils parlent mal aux gens. Ils m’ont dit « T’es pas à l’hôtel ici! ». Moi je veux pas parler avec eux, j’arrive pas à parler avec eux. J’arrive même pas à regarder leurs yeux. S’ils veulent parler avec moi, je pète les plombs. Je dors beaucoup parce que sinon je vais péter les plombs.

Y’a pas de confiance. Nous on cherche la confiance, le respect. Nous on parle gentiment. Avec eux tu dis la vérité et ils te font un piège. Y’a pas de confiance. Ils nous reste pas beaucoup [de jours d’enfermement], c’est eux qui vont rester là comme des chiens, debout toute la journée.

Même quand ils rigolent avec toi, derrière toi ils vont te baiser. Nous on veut pas beaucoup de choses, juste mes droits, respecte moi c’est tout. Fais ton travail, pas plus pas moins.

Ici il y a pas de loi ici, c’est chacun qui fait son jeu.
Je sais pas si on est des hommes, si on est des chiens.

M. Il y a quelques jours, un policier m’a dit que la barquette de viande [du réfectoire du CRA] était halal, je sais que c’est pas vrai. Je lui ai dit que c’était pas vrai. Il m’a dit « si c’est halal, c’est pas du cochon ». Un autre jour un pote a rentré un sandwich pour moi en visite. Le policier m’a dit « bah alors pourquoi tu manges de la viande, je croyais que c’était pas halal? » [la police refuse de servir des plats halal ou d’adapter des menus végétariens dans les centres de rétention. Pourtant, la justice a déjà obligé l’administration pénitentiaire à servir des plats halal en prison au nom de la liberté de culte]

Ils sont venus nous demander qui a cassé la machine [distributeur d’aliments]. Ils nous ont dit « arrangez vous entre vous ». Ils nous ont dit qu’ils allaient voir à la caméra qui a fait ça et qu’ils allaient le défoncer.

 

G. Ils m’ont dit que si je disais qui a fait ça, ils me défendraient. Je suis pas une balance.

 

M. Le policier a bloqué C. [une autre personne enfermée] à la porte [du couloir d’accès à la Cimade et à l’infirmerie]. C. a demandé à rentrer, le policier lui a dit « non tu passes pas ». C. s’est énervé. Un groupe de policiers est venu le chercher pour l’emmener, on sait pas ce qu’ils vont faire avec lui.

 

C. Il [le policier] m’a provoqué, il m’a pris pour un con. Il m’ont emmené à la salle de fouille. Un policier a mis des gants et il m’a provoqué. Ils m’a dit « t’es une bête, t’es une merde ». Il m’a dit de m’excuser, sinon il ferait un rapport. Je lui ai dit je m’excuse pas. Je crois qu’ils ont fait un rapport.

L’autre il me dit: « si c’était à moi que t’avais mal parlé, ce serait autre chose ». Ils m’ont insulté de ouf.

Un gradé a dit à un policier: « voilà, on va dire que c’est lui qui a cassé la machine ». Je suis même pas entré dans le couloir [où se trouve la machine] de l’après-midi.

 

M. Le policier est venu dans ma chambre, il a pris son sifflet et m’a sifflé dans l’oreille pour me réveiller. Moi je reste dans mon lit jusqu’à 5h du matin parce que j’arrive pas à dormir avec le stress. Normalement le petit déjeuner c’est de 7h à 7h30, l’autre jour 7h25, tu rentres pas dans le réfectoire, tu manges pas ».

 

G. Le matin ils rentrent dans la cellule et ils tapent à la porte: « lève toi lève toi ». Je leur ai dit d’utiliser leur micro. J’ai jamais été réveillé comme ça dans ma vie, même ma daronne elle fait pas ça.

 

M. Ils ont peur des journalistes, ils ont peur qu’on balance. Du coup on a bien chargé quand ils sont passés l’autre fois avec le politicien. [Les parlementaires ont le droit de venir « visiter » les centres de rétention accompagnés de journalistes depuis la loi du 7 mars 2016]

 

G. Cette semaine, l’équipe [de policiers] elle est pas bien. C’est des traitres. Même les [flics en] civil. Ils t’empêchent d’accéder à la Cimade.

 

 

L. Ici, il y a une discrimination. Ils martyrisent les gens. Moi j’ai un long traitement, que je ne peux pas prendre. Ils me poussent bout, m’emmènent dans une cellule et me menacent. S’ils m’expulsent, je n’ai plus le médicament. J’ai été frappé avant d’être mis en prison. J’ai subi une opération neurologique, du coup je contrôle moins mes nerfs, et quand ils me provoquent, je m’énerve vite.

J’ai un grave problème de santé, ici ils n’en ont rien à foutre. Si j’ai pas le traitement, j’ai une pathologie.

Au début, ils croient que je parle pas le français et parlent mal de moi. Ils ont insulté ma mère et m’on poussé. On est vraiment traité comme des animaux.

Moi je me fous de la couleur des gens. J’ai une mentalité universelle. Elle [il parle de l’infirmière, qui entre autres l’a insulté] me dit que ça fait 300 ans qu’ils sont là, et donc de rentrer chez moi.

Ils m’ont dit aussi que je voulais me servir de mes documents médicaux pour pouvoir sortir.

C’est la 21ème fois que je suis en CRA…

L. a rédigé un texte sur ce qu’il vit en CRA.

L. a donc décidé de commencer une grève de la faim. 

Voici le texte qu’il écrit depuis le CRA: 

« J’ai écrit ce texte afin de vous expliquer la mauvaise situation ici au centre de rétention du Mesnil Amelot 3 (CRA 3). En fait, ça fait 16 jours que je suis là et toujours il y a des soucis avec les policiers et les infirmiers. Je vais vous dire pourquoi les policiers et pourquoi les infirmiers. Tout d’abord, chaque matin, ils nous parlent mal quand ils viennent pour nous réveiller et ils disent « ça sent l’odeur de porcs ». Tous les jours ils disent ça. On est stigmatisés chaque jour et comme quoi ils ont envoyé des policiers arabes pour que nous ne disions pas qu’ils sont racistes, mais au contraire, ce que je vois, ce que j’entends, c’est du racisme pur, et je viens de sortir de la prison de Fleury Mérogis, j’ai fini ma peine et paye envers la société française, et là je suis en train de faire une double peine pour rien car je n’ai pas de papiers Je suis arrivé à l’âge de 13 ans, et j’étais à l’école, j’ai eu un CAP de menuiserie. En plus j’ai fait plusieurs demandes de régularisation. Ils m’ont demandé de chercher un visa spécial de l’Algérie pour que eux comme quoi ils me régularisent et je sais très bien que si je pars là-bas ils vont me coincer au bled et au pays je n’ai ni famille ni ami, et du coup tous mes proches sont à Paris, et si vous voulez je vous donne leur adresse.

Notre objectif de la grève la faim, c’est que 45 jours c’est trop pour nous, il y a des gens fragiles, et sensibles, ils ne peuvent pas résister dans ces conditions là puisqu’il y a la saleté, les maladies comme la gale et les autres contagions, on est tous mélangés. On ne peut pas vivre dans cette situation. Franchement c’est inhumain, et je ne vois pas ni mes droits ni les droits de l’homme, on est tous des êtres humains. »

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« Shopping » bulgare https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/07/01/shopping-bulgare/ Sun, 01 Jul 2018 09:38:25 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=238 Une plainte contre la Bulgarie pour traitements inhumains et dégradants a été déposée mercredi dernier, le 27 juin 2018, auprès de la Commission Européenne et la Commission des Pétitions du Parlement Européen par 14 afghans résidant en France. Tous sont, ou ont été placés, en procédure Dublin par la France. C’est-à-dire que pendant une période allant de 6 à 18 mois les demandeurs d’asile en procédure Dublin, vivent avec cette épée de Damoclès au dessus de la tête d’être à tout moment renvoyés à Sofia par décision de la préfecture et ce dans une très grande violence : menottés aux pieds et aux mains, parfois avec un masque sur la tête et la bouche obstruée, parfois drogués, souvent battus. Et ce, sans que les autorités ni la justice française ou européenne n’écoutent les risques d’une telle expulsion. Pire en la validant puisque l’arrêté de transfert stipule que le demandeur ne sera « pas exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales[1] « , alors que l’Europe comme la France savent depuis des années ce qui se passe en Bulgarie. Plusieurs articles de presse en font états, plusieurs rapports l’ont dénoncé[2].
Les plaignants ont souhaité que leur témoignages soient rendus publics. En voici des extraits (les noms ont été modifiés). Voici donc comment l’Europe et la France légitiment en notre nom ces déportations, voici comment les demandeurs d’asile font leurs « shopping » selon Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européenne (9 mai 2018 au Sénat). »

LA FRONTIERE ENTRE LA TURQUIE ET LA BULGARIE

Je m’appelle Farid et je viens d’Afghanistan. Lorsque je suis passé en Bulgarie, j’étais avec mes deux petits frères et 18 autres migrants. Nous marchions depuis trois jours et trois nuits dans la forêt quand la police est arrivée et nous a dit en anglais : « Ne bougez plus, couchez vous au sol, nous sommes la police bulgare. » Ils avaient des chiens nous avons crié « Réfugiés ! Réfugiés !!».

Ils ont aussitôt commencé à nous frapper avec des matraques, avant de lâcher les chiens sur nous alors même qu’il y avait des enfants. Mes petits frères hurlaient. En fait, nous hurlions tous. Et eux ils riaient. Nous avons été mordus, nous avons été battus. Ils frappaient au hasard sans faire de distinction avant de nous fouiller et de prendre notre argent. Deux hommes ont été très sérieusement blessés aux jambes. Ensuite ils nous ont fait monter dans des véhicules pour nous ramener à la frontière turque. Nous y sommes restés une nuit avant que les passeurs nous retrouvent et nous apportent de la nourriture. Le jour suivant, ils nous ont dit que nous prendrions un autre chemin pour éviter la police. Il y avait une journée de marche. Nous étions fatigués, nous étions blessés, mais nous ne pouvions pas refuser. Les passeurs nous ont dit que si nous refusions, ils nous frapperaient. Mes frères pleuraient. Je les ai réconfortés et nous avons recommencé à marcher. L’un des deux hommes blessés aux jambes est resté dans un village à la frontière. L’autre a décidé de continuer avec nous. Le jour même, nous sommes entrés en Bulgarie. Mais là les Bulgares nous ont attrapés une nouvelle fois, ils nous ont frappés et fouillés. Mais nous n’avions plus rien à part nos vêtements. Ils continuaient de nous demander de l’argent et de nous battre. Les véhicules de police sont arrivés et nous ont emmenés dans une maison. Elle était dans un très mauvais état et il n’y avait rien, ni tapis, ni couvertures, elle était sale et vide. Ils nous ont gardés là deux jours. Ils nous demandaient de l’argent et nous frappaient constamment. Parfois ils venaient avec les chiens pour nous effrayer. Ils nous ont dit que si nous ne leur donnions pas d’argent, nous mourrions ici.

Sobhan La première fois que j’ai passé la frontière nous étions 26 et nous avons tous été arrêtés. La police a lâché les chiens sur nous. Ensuite, ils nous ont dit de nous mettre en ligne. Il y avait trois femmes dans notre groupe. Ils les ont emmenés. Ils nous ont battus un par un comme des animaux et ils nous ont tout pris : téléphones, montres, chaussures, vêtements avant de nous renvoyer en Turquie en sous-vêtements. La police a gardé les femmes.

Zakary J’ai passé 3 jours et 3 nuits dans la forêt. Puis les passeurs sont arrivés. Ils nous ont emmenés dans une maison où nous sommes restés 30 jours environ. Nous étions 25. Tous les jours, ils nous demandaient de l’argent, nous disaient d’appeler nos familles pour leur en envoyer. Nous étions enfermés là, toute la journée, à attendre. Après 10 jours, 6 personnes ont payé et sont parties. Nous, les 19 autres, nous nous sommes enfuis 2 semaines plus tard. Nous avons attendu que le chien de garde s’endorme et nous sommes passés par la fenêtre. On a marché 1 heure ½ dans la forêt mais la police nous a arrêté et l’un d’entre eux nous a demandé si on parlait anglais.

Celui qui a répondu oui, a été si violemment battu à la tête qu’il pissait le sang. On lui a fait un bandage avec sa chemise pour arrêter le sang de couler. Ils lui ont crié dessus qu’il ne devait raconter à personne ce qui venait de se passer. Et puis, un policier a tiré 3 coups de pistolet en l’air, des policiers allemands sont arrivés.

CAMPS FERMES: BUSMANTSI, ELHOVO, LYUBIMETS

Zakary Je suis resté 1mois ½, dans un camp fermé, mais je ne me souviens plus du nom. On avait à manger deux fois par jour, et nous ne pouvions aller aux toilettes qu’une fois par jour. Le reste du temps nous étions enfermés dans la chambre.

Il s’agissait d’une grande salle, avec des grilles. C’était comme des cages, des cellules, il y avait 5 cellules comme ça avec environ 50 personnes dans chacune d’entre elles. Elles n’étaient pas très grandes, mais on pouvait marcher à l’intérieur, d’un bout à l’autre de la cellule. On ne pouvait pas sortir, il y avait des caméras de surveillance. À travers les grilles on voyait les policiers qui faisaient des rondes avec leurs matraques. Ils nous ont demandé d’où on venait, pourquoi nous étions là, quels étaient nos problèmes en Afghanistan, et ils nous ont demandé où nous voulions aller en Europe, dans quel pays. Ils ont pris nos empreintes. Moi je ne voulais pas, mais ils m’ont forcé. Ils m’ont dit que de toute manière nous n’avions pas le choix et que ça n’avait aucun rapport avec les empreintes des demandes d’asile. Ils ont pris mes documents prouvant que j’avais travaillé pour l’armée afghane à la protection de l’armée française, ils ont volé la bague que j’avais au doigt. Ils m’ont forcé à la leur donner, ils m’ont frappé et me l’ont arrachée de force.

Sobhan Ils nous ont conduits dans une prison (Lyubimets) qui se trouve à 3 ou 4 heures de Sofia. A notre arrivée, la police bulgare nous a à nouveau fouillés avec les chiens et ils nous ont battus avec des matraques électriques. Cette fois, nous avons pensé et ressenti que nous n’étions pas des êtres humains, juste des animaux. Quand j’ai quitté mon pays, je pensais trouver de l’humanité dans d’autres pays mais j’ai eu tort parce que ce que j’ai vu en Iran et en Bulgarie, un être humain ne peut pas l’imaginer. Tant de réfugiés veulent se suicider à cause de ces situations et du comportement de la police bulgare.

Dans cette prison, j’ai revu les femmes avec qui nous étions lors de la première tentative de passage, celles que la police avait emmenées. Une femme m’a reconnue et s’est mise à pleurer. Je lui ai demandé ce qui c’était passé. Elle ne m’a pas répondu mais j’ai insisté et finalement l’une d’entre elles m’a dit que la police des frontières les avait violées.

Zoubayr Ils nous ont emmenés au centre de rétention et de déportation de Busmantsi qui est à Sofia, c’est près de l’aéroport (nous voyions beaucoup d’avions). Il y a 4 étages : 1er, le réfectoire ; 2ème les familles ; 3ème et 4ème pour les hommes seuls et les mineurs. Nous n’avions pas de couvertures, il faisait très froid car les fenêtres étaient cassées. Il y a plusieurs nationalités. Je dormais par terre derrière une porte. Nous ne quittions jamais notre étage sauf pour descendre lors des repas. Il y a 3 repas par jour mais la nourriture n’est pas identifiable. Ça consiste toujours en un verre à moitié rempli d’une sorte de mixture pâteuse. Il y a des caméras dans les chambres. 7 chambres, 260 personnes. 2 toilettes (car 4 sont cassées) ouverts de 10h à 22h, 4 douches sans porte ; les sanitaires sont indescriptibles de saleté. Il y a un médecin sur place mais il n’intervient qu’en cas de gravité. J’ai eu des douleurs intenses à l’estomac mais à chaque fois que j’ai demandé à être soigné, j’ai été frappé à coups de poings.

Les « gendarmes » c’est un corps de police spécial, coupable des pires violences ; ils ne sont pas tout le temps au camp mais viennent régulièrement, ils viennent fouiller les chambres tous les jours: à 8h, ils emmènent 40-50 réfugiés un par un dans les sanitaires (où il n’y a pas de caméra) ils nous fouillent et nous frappent. Le chef explique que ce sont les règles.

Si vous croisez le regard d’un policier, en descendant manger par exemple, il peut vous frapper. Un jour, j’ai été frappé à coups de pieds juste parce que le policier m’a reproché d’être passé devant lui au réfectoire. Je suis resté 4 mois à Busmantsi, jusqu’en mars 2017.

C’est à Busmantsi que j’ai passé un entretien avec les autorités bulgares.

A aucun moment elles ne m’ont demandé si je souhaitais demander l’asile en Bulgarie. Elles m’ont demandé dans quel pays je voulais aller. Leurs questions portaient presque toutes sur ma religion, sur mon attitude et mes sentiments envers les chrétiens. Par exemple, ils m’ont demandé si j’accepterais de manger de la nourriture que me donnerait un chrétien. A part cet entretien, je n’ai jamais parlé à aucun membre de l’administration, ni d’une ONG, ou d’une association, à aucun avocat ou juriste. Je n’ai reçu aucune information écrite sur la procédure d’asile en Bulgarie, ou sur mes droits en détention.

Zain A Busmantsi, où je suis resté 19 jours, un jour, dans une pièce à part, ils ont pris nos empreintes de force. Un garde me frappait avec sa matraque pendant que l’autre me tenait les mains.

Farid Après 15 jours passés en camp fermé, ils nous ont emmenés au camp ouvert de Pastrogor. Là bas, ils ont pris nos empreintes, nous ont forcés à demander l’asile. Après 10 jours, ils nous ont donnés une carte avec notre photo et nous ont dit que nous avions deux mois pour quitter la Bulgarie sinon nous irions en prison.

CAMPS OUVERTS: HARMANLI, OVCHA KUPEL, PASTROGOR, VOENNA RAMPA

Zain, J’ai été transféré à Harmanli en bus. Je n’y suis resté que 5 jours. Nous étions 60-70 par chambre. Nous dormions tous par terre. La douche et les wc étaient dehors et n’avaient pas de toit. On nous servait de toutes petites portions de nourriture dans des verres. Nous étions frappés lors des distributions.

Jahangir Dans le camp d’Ovcha Kupel , ils ont pris nos empreintes. Ils ne nous ont pas expliqué que c’était pour la demande d’asile. Ils nous ont juste donné l’ordre en nous poussant. Personne ne voulait donner ses empreintes en Bulgarie. Personne ne voulait l’asile en Bulgarie. Ils prennent quand même les empreintes pour l’asile. Je ne sais pas pourquoi. Ils font tout eux-mêmes : les empreintes, la procédure d’asile. Ils ne t’expliquent pas. Ils font. Ils ne te demandent pas si tu veux donner tes empreintes, si tu veux demander l’asile. Ils vont juste prendre tes empreintes. Je ne sais pas si c’est pour avoir l’argent de l’Union européenne ? Mais ils prennent les empreintes sans que tu racontes ton récit, sans entretien. Juste ils prennent les empreintes et t’expliquent que tu peux sortir et entrer dans le camp. Ils disent qu’ils espèrent que tu auras des papiers mais ils ne te demandent pas ton parcours, ni les raisons de ton exil.

Zakary A Harmanli nous étions plus de 2500 personnes dont beaucoup de Pakistanais, d’Irakiens et de Syriens. La vie à Harmanli était très difficile. J’y suis resté pratiquement 2 mois. Ma famille m’envoyait de l’argent pour manger car la nourriture qu’ils nous donnaient, était trop mauvaise. L’argent arrivait chez un commerçant du coin, un anglophone, il prenait 20% de commission. Et pour aller le récupérer, je devais faire le mur sinon je me faisais voler l’argent par les gardes à l’entrée du camp.

Nasser Il y a deux bâtiments à Voenna Rampa. Tout y était horrible, les toilettes, les cuisines, c’était totalement insalubre, beaucoup de personnes préféraient manger dehors. Pour manger, on nous distribuait des barquettes de nourriture, mais personne ne les prenait, on y trouvait des cafards. Tout le monde pouvait cuisiner mais pour cela, il fallait avoir l’argent pour acheter les aliments et quand nous n’avions pas d’argent on était bien obligé de manger ces barquettes. La Croix Rouge venait parfois nous aider mais sinon il n’y avait aucun travailleur social. Ils nous disaient : « Si vous avez des questions vous pouvez vous rendre dans ce bureau ! » Il s’agissait d’un bureau qui était dans le camp, mais il n’y avait jamais personne. Il y avait beaucoup d’agents de sécurité surtout la nuit. Ils étaient dans le camp et même en dehors du camp pour nous contrôler. Lorsque l’on se promenait en ville, si la police nous voyait, elle nous arrêtait, nous demandait nos documents, nous fouillait, volait nos affaires. Les policiers nous donnaient des claques et nous disaient de rentrer immédiatement au camp. Comme on avait peur qu’ils nous prennent nos documents, on les payait tout le temps. Je ne peux pas dire que les mauvais traitements soient systématiques, je peux seulement vous parler de mon expérience personnelle mais moi tous les policiers que j’ai vus, étaient très violents. Je n’en ai pas rencontré un seul qui ne le soit pas.

Et dans la ville, les habitants nous balançais des bouteilles d’eau sur la figure ou d’autres détritus depuis le bus, quand nous marchions dans la rue ou même parfois quand nous étions assis dans le bus ils nous lançaient des trucs.

LES BULGARES

Moncef Après le 1er janvier 2017, je suis parti en train avec 3 Afghans pour Sofia. J’y suis resté 15 jours à la rue. Je cherchais mon frère. Quand nous rencontrions les policiers, ils nous volaient nos affaires, nous frappaient de toutes leurs forces avec leurs matraques. Un jour, j’ai marché 6h dans une direction à la recherche d’un camp que je n’ai pas trouvé, j’étais seul. Sur le retour, des civils m’ont attaqué et battu. Je ne pouvais plus marcher. 2 femmes m’ont emmené en taxi, j’étais au bord du malaise, j’avais du sang sur moi. J’ai retrouvé des Afghans sous un pont. Les civils bulgares détestent les migrants. Dans les transports en commun, j’ai très souvent été harcelé et humilié. Les Bulgares ne veulent pas être près de nous, ils disent que nous sentons mauvais.

Zain J’étais avec 4 Pakistanais à Sofia quand nous avons été attaqués par 12 civils. J’ai une cicatrice au bras liée à une blessure faite au couteau. Des bandes parfois nous contrôlaient, nous frappaient et appelaient la police pour dire que nous venions du camp de Harmanli.

MANIFESTATION 21/11/2016 HARMANLI

Jan Ça a commencé parce que les autorités ont fermé les portes du camp ils ne nous laissaient plus sortir. Ça n’avait pas de sens de fermer les portes. on pouvait passer par-dessus le mur. Alors ils ont mis des barbelés. Ils ne nous ont pas expliqué pourquoi ils fermaient tout. C’est seulement face à notre colère qu’ils nous ont dit qu’il y avait une épidémie. Mais il n’y avait pas d’épidémie. La plupart d’entre nous allaient bien. En plus, ils n’ont fait venir aucun médecin, ne nous ont donné aucun médicament.

Zakary Dans ce camp, nous étions plus de 2500 personnes de plusieurs nationalités. Nous nous sommes réunis et nous avons décidé d’organiser une grande manifestation parce que nous n’avions plus le droit de sortir et que nous voulions aller acheter à manger à l’extérieur. Leur nourriture était vraiment mauvaise et insuffisante.

 Jan La veille de la manifestation, nous avions constitué un groupe entre les diverses nationalités du camp pour aller parler aux autorités et leur demander de nous laisser aller acheter à manger. Le lendemain matin, pas de dialogue. Lorsque le groupe a demandé à sortir, la police nous a bloqués

Sobhan Nous avons voulu faire une action pacifique contre la police bulgare pour obtenir le droit de sortir. Alors nous avons manifesté devant le bureau principal du camp.

Zakary Nous avions confectionné des drapeaux afghans et à la fin les policiers les ont brûlés. Comme nous avions fait un drapeau, les policiers bulgares nous ont accusé d’être les organisateurs. Du coup, ils nous ont tous frappés. Il y avait du sang partout sur les voitures, partout, ils nous ont frappé comme des chiens.

Jan La police nous a battus. Alors nous avons riposté, nous avons jeté des cailloux et des pierres sur la police. Durant la manifestation : 500 ou 600 policiers supplémentaires sont venus à Harmanli. Ils utilisaient des grenades lacrymogènes. Ça a duré de 9H30 à 12H30. Finalement ils n’ont pas ouvert les portes du camp. Alors nous sommes retournés dans nos chambres. Nous n’avons pas eu à manger ce jour-là et les autorités ont fermé l’eau du camp.

Zakary Vers minuit, alors que nous dormions, les policiers sont entrés dans les chambres et nous ont frappés avec des matraques électriques. J’ai été réveillé par les cris. Les gens couraient dans tous les sens, se cachaient où ils pouvaient, on entendait des hurlements, certains se sont cachés dans les faux plafonds, d’autres se sont enfuis. Certaines personnes très gravement blessées ont du être hospitalisées. Tout le monde a été blessé, ils frappaient comme des fous.

Sobhan Les forces spéciales ont commencé à casser les portes des chambres. Nous étions 8 dans la chambre lorsque nous avons vu cela, c’était effrayant. Soudain j’ai entendu les cris des réfugiés, ils criaient et tous courraient pour se cacher. J’ai eu très peur et je ne l’oublierai jamais. La police frappait les réfugiés avec des matraques électriques. Nous nous sommes cachés sous les lits mais la police a cassé la porte et nous a vus sous les lits et a commencé à nous frapper comme des animaux et nos corps se mettaient à saigner. Ils étaient cruels.

Zakary C’est à ce moment-là que je me suis échappé. Avec quelques uns nous avons trouvé un chemin pour partir dans la forêt. Mais comme on avait besoin de couvertures on est revenu. Quand j’ai vu l’état dans lequel les gens étaient, j’ai vraiment eu peur. Il y en a plein qui étaient gravement blessés. On a retrouvé un ami avec une large blessure à la tête.

https://vimeo.com/277786165

Jan Ils arrêtaient les gens à l’extérieur du bâtiment, ils entraient dans chaque bâtiment, frappaient les gens et les sortaient du bâtiment. Et puis ils les frappaient dehors. Et puis ils passaient à l’autre bâtiment. Ils laissaient juste les familles en paix. Ils ont emmené des hommes en prison.

Lorsqu’ils sont venus, ils m’ont frappé à la tête avec une matraque je me suis enfui. Je suis parvenu à sortir du camp avec 2 autres personnes. Nous sommes allés dans une forêt pour la nuit et nous sommes revenus le lendemain matin parce qu’on ne savait pas où aller. Le matin, la police a pris les gens blessés. Ils les ont mis dans un camp fermé. Je me suis caché dans la chambre d’une famille qui m’a soignée. Il y avait beaucoup de blessés. J’ai vu un mort le matin. J’étais dans la chambre et quelqu’un est venu annoncé qu’il y avait un mort. Le corps a été sorti dehors et la police l’a emporté. Il était afghan. Son nom était peut-être Bilal.

 Sobhan Je ne peux pas décrire mieux la situation parce qu’à ce moment là je pensais que c’était le dernier jour de ma vie. Puis le matin, nous avons vu que tous étaient blessés et j’ai entendu que 3 ou 4 refugiés avaient été tués. La police a emporté leurs corps. 250 refugiés étaient gravement blessés et la majorité était afghans. La police a emmené 240 réfugiés dans une autre prison puis le gouvernement les a expulsés vers l’Afghanistan. La police a refusé de laisser entrer l’UNHCR, les médias comme les autres organisations. Ils ne voulaient pas que le monde découvre le comportement des policiers bulgares. Ils nous ont gardés enfermés 15 jours ensuite, j’ai eu la chance de pouvoir partir. J’ai vu deux personnes tuées à Harmanli, des amis en ont vu deux autres.

Zoubayr En novembre 2016, lorsque j’étais à Busmantsi, j’ai vu des personnes arriver avec des blessures graves, des membres cassés, du sang, des plaies.

A mon étage, nous avons vu passer beaucoup d’afghans qui venaient du camp d’Harmanli et qui avaient été arrêtés à la suite de la manifestation. Ils restaient peu de temps, chaque jour une quarantaine d’entre eux étaient déportés vers l’Afghanistan. Des personnes de l’ambassade d’Afghanistan venaient chaque jour au camp, et on les obligeait à signer des papiers.

Ils sont arrivés dans des conditions épouvantables, tous blessés, malades et traumatisés. Nous avons pu leur parler. Ils nous ont raconté qu’ils avaient étaient enfermés dans des sortes de hangars, des stations de lavage pour véhicules, où ils avaient été aspergés d’eau puis laissés trempés, sur le sol, pendant plusieurs jours ; sans toilettes, sans nourriture, sans eau, sans soins alors que la plupart avaient de graves blessures résultant de leur tabassage par les policiers. Toutes ces personnes ont été renvoyées en Afghanistan. Nous ne savons pas ce qu’elles sont devenues.

Zakary Après 15 jours, j’ai pu trouver un passeur et quitter la Bulgarie. Mais l’ami qui a été frappé à la tête ce soir-là, a mit beaucoup de temps à s’en remettre, il a perdu beaucoup de sang. Ils ne l’ont emmené à l’hôpital que le lendemain. Il est toujours en état de choc d’ailleurs, il va encore très mal. Aujourd’hui, il est coincé dans une prison en Slovénie. Quatre autres de mes amis sont toujours en Bulgarie, ils n’ont pas d’argent pour partir.

Nasser Je n’y étais pas mais j’étais en contact avec des amis là-bas, j’y suis allé parfois en train pour y voir des amis. Mais après la manifestation je ne les ai plus jamais revus, je ne sais pas ce qui leur est arrivé. Beaucoup ont été déportés en Afghanistan et beaucoup ont disparu. On ne sait pas où ils sont et d’ailleurs je connais des afghans qui ont encore peur de témoigner aujourd’hui.

21 citoyens afghans sont accusés d’avoir participé à la mise à sac du camp de réfugiés d’Harmanli lors de la manifestation en novembre 2016. Le procès déjà reporté deux fois doit avoir lieu le 7 août prochain.

http://bulgaria.bordermonitoring.eu/2018/01/09/local-district-prosecutors-office-indicts-21-asylum-seekers-for-a-riot-at-harmanlis-refugee-camp/

https://sofiaglobe.com/2018/01/09/bulgaria-21-asylum-seekers-to-be-indicted-for-riot-at-refugee-camp/

[1] Extrait d’un arrêté de transfert délivré par la Préfecture de Seine Saint Denis daté du 27/12/2017.

[2] https://www.amnesty.org/fr/countries/europe-and-central-asia/bulgaria/report-bulgaria/

 

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« Ici, c’est le Guantanamo à la Française… » (2) https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/06/18/ici-cest-le-guantanamo-a-la-francaise-2/ Mon, 18 Jun 2018 12:50:10 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=231 Le « Guantanamo à la Française » est l’expression employée par un ancien retenu du Centre du Mesnil Amelot, pour décrire la réalité qu’il y a vécue. C’est devenu le titre d’une série d’articles-entretiens que nous publions sur le site Info-CRA, avec des retenus qui sont souvent des anciens détenus, sortants de prisons, et qui comparent presque systématiquement le CRA et la prison. 

Islem est algérien. Il a 19 ans, et se trouve enfermé au CRA du Mesnil Amelot. Sortant de prison, il a été envoyé à Fresnes au quasi lendemain de sa majorité. Après 13 mois en maison d’arrêt, il a été amené  en GAV puis au Lieu de Rétention Administrative (LRA) de Choisy-le-Roi, avant d’être amené au CRA. Jusqu’à son arrivée au Mesnil-Amelot, il ne savait rien de ce qui lui arriverait, la police lui a menti en le rassurant sur tout ce qu’il allait se passer. Il a maintenant une OQTF de 3 ans. 

 

Peux-tu nous parler de ce que tu as vécu en France? 

Je suis arrivé en France en 2015, j’avais 16 ans. Quand je suis venu, je savais que je n’avais rien. Je dormais un peu n’importe où, je me cachais. Je vendais n’importe quelle drogue. Une fois, j’étais dans un squat. A 5 heures du matin, la police est venue, nous a expulsé et après un passage au commissariat ils m’ont laissé à la rue, en plein hiver.

J’étais mineur, mais j’ai pas été pris en charge. J’ai été mis à la rue. Je pouvais pas faire de documents. J’ai ramené des preuves de ma minorité, j’ai eu un entretien. J’ai fait faxer mon acte de naissance, mais ils ne croyaient pas au fait que c’était un vrai. Ils ont refusé mon dossier.

Je me suis ensuite fait arrêter par la police pour cambriolage, mais je ne sais pas pourquoi. J’étais devant un bâtiment et la police m’a arrêté. Ce qui est sûr, c’est que c’était raciste, l’arrestation. Même au bled, la police est plus sérieuse.

 

Et donc ensuite tu as fait de la prison?

Quand je me suis fait arrêté, j’ai eu un mandat de dépôt. J’ai attendu 13 mois avant d’être jugé, et j’ai été condamné à 6 mois. Donc j’ai fait 7 mois gratuits.

En prison, j’ai rien, j’ai pas de famille, j’ai pas pu travailler, donc pas d’argent, donc pas de clopes, et m’a copine m’a quitté. J’ai galère.

J’ai pas pu travailler à la prison, j’étais sur la liste d’attente. Normalement, c’est deux-trois mois d’attente. Mais après 13 mois, j’ai jamais travaillé. Ils aimaient pas les arabes ils étaient racistes. J’ai été voir le chef qui m’a promis un travail le lendemain, mais rien.

J’aime bien la France, mais franchement, j’y ai rien gagné. Mais je redescendrai pas au bled, ça fait trois ans que je suis là.

 

Et tu as été amené au CRA.

Oui. La prison, c’est mieux qu’ici. Ici, tu manges rien, rien ne rentre, même quand on amène quelque chose. Le temps ne passe pas, on n’a le droit de rien. Et il y a du racisme de la police.

On est traité comme des animaux. J’ai mal aux dents: on me donne un doliprane. On m’a dit « pas de dentiste, attends 45 jours ». En prison, il y a un dentiste pour 3 ou 4 000 détenus, mais tu y passes. Ici, il n’y a personne. Et personne ne t’amène à l’hôpital.

Ici, il y a des gars qui pètent des plombs. Il y a trois jours, BS a avalé des pièces et des lames de rasoir pour ne pas être embarqué. Il a été amené à l’hôpital. Puis il a fait une GAV deux jours plus tard, à son dernier jour, à l’aéroport où on voulait le mettre dans l’avion. A la fin il est sorti. Un autre Algérien aussi a pété un cable. Le consulat a fini par lui faire un laisser-passer. Il pleure et il a envie de s’évader. Ca fait presque un mois qu’il est là.

Finalement, je vous le dit. J’ai passé ma jeunesse en prison. Je suis jeune, et ils m’ont tué.

Vector illustration of a man lock up in prison

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Pas de Ramadan en Rétention https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/06/06/pas-de-ramadan-en-retention/ Wed, 06 Jun 2018 22:04:15 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=218 Lors de notre visite au Centre de Rétention lors de la dernière semaine de mai 2018, nous avons été étonnés de trouver les personnes que nous allions visiter sur une liste à part intitulée « Ramadan ». Le flic nous explique que cela permet de caler les distributions de nourriture sur les horaires du jeûne. Pourtant, quelques jours avant, nous avions pris connaissance d’une saisine signée par plusieurs co-retenus demandant le respect du Ramadan. Vous la trouverez reproduite ci-dessous. Fallait-il en déduire que la saisine avait eu pour conséquent un changement de fonctionnement du Centre de Rétention, pour le Ramadan, dans une institution qui fait de sa laïcité une arme de guerre? Nous nous sommes rapidement rendus compte que cette liste à part existait depuis le début du Ramadan, et que la saisine a été écrite parce que le dispositif n’est ni respecté ni suffisant. Voici les propos de Mamoun et Fathelrahman, soudanais. Ils nous ont raconté non seulement les problèmes liés au Ramadan, mais aussi ceux habituels, que racontent et racontent les retenu.e.s. 

F:  » En fait, ici, il n’y a pas la possibilité de faire le Ramadan. La bouffe est dégueulasse, et on n’a pas la possibilité de la déplacer hors du lieu où elle est distribuée pour la manger à l’heure de la rupture. Certes, elle est donnée à 21h, mais en très petite quantité, et on ne sait pas si c’est ou non halal. »

Voici la saisine écrite par les retenus:

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LCD: Pourtant, on a vu qu’il y avait une liste pour celles et ceux qui font le Ramadan, est-ce que ça a été mis en place après la saisine? Elle a changé quelque chose cette saisine? 

M: « Non, la liste a été mise en place depuis le début. C’est ensuite qu’on a fait la saisine mais elle n’a rien changé. On a fait un rassemblement en disant « on ne mangera pas ». Mais ensuite, on a été séparés de bâtiments. Certains ont été déportés très rapidement. On était 23 au départ. Maintenant on n’est plus que 9. Tout ce qu’on voulait, c’est le respect des horaires du Ramadan, car ce n’était pas le cas. Ils ne nous ont donné que des carottes cuites à la vapeur. Si seulement on pouvait au moins avoir un peu de riz. Mais depuis, il n’y a pas eu de changement. »

LCD: Et du coup, la répression policière a cassé tout mouvement? Il n’y a plus de possibilité de se rassembler? 

M: « La question n’est pas de se rassembler ou pas. On est déjà fatigués par le Ramadan. Si rien ne change, à quoi ça sert? Ici, tout dépend de leur humeur.

LCD: Ok, l’arbitraire policier du CRA… quelles sont vos revendications?

M et F: « Changer la nourriture, quelle soit adaptée au Ramadan. Ensuite, on a des demandes: le droit d’aller à l’hôpital, que les services ne soient pas toujours fermés, un vrai droit à des traducteurs. »

LCD: Pouvez vous parler de comment vous êtes arrivés ici? 

F: « Moi ça fera 28 jours demain. Je suis réfugié statutaire en Italie. Mais j’ai pas le permis de voyage. Je suis venu travailler. Un matin, en partant au travail, je me suis fait arrêter par la police. »

M: « Moi, j’ai été assigné à résidence 45 jours, parce que je suis en procédure Dublin, à Montrais. Le jour prévu de ma déportation, j’ai voulu aller chercher mes affaires, mais m’a répondu « Jamais ». On m’a emmené à l’aéroport en un jour, on m’y a laissé pendant 5h dans une salle comme celle-là (il montre le parloir qui est une pièce vide de 10m2 avec une table et deux chaises), et finalement au CRA. Quand je suis passé au tribunal, j’ai dit au juge: « pourquoi m’avoir amené ici? pourquoi ne pas m’avoir renvoyé en Italie? ». Et il m’a répondu: « parce que vous ne vouliez pas partir en Italie ». Mais j’ai jamais rien dit moi, on m’a juste mis dans une pièce et amené ici. Je ne parle même pas français, comment aurais-je pu dire ça? »

LCD: Et donc que dîtes vous des conditions de rétention? 

M: « Ici, quand t’es malade, ils ont un seul comprimé, qui est le même pour tout le monde quelque soit ta maladie. Même moi je peux devenir médecin ici, s’il faut juste donner le même médicament à n’importe quel malade. »

F: (qui a la jambe cassée en plus d’être malade): « Moi je suis très malade, je dois aller faire une prise de sang, mais je ne peux pas. Ici, la police s’enferme dans une salle, te regarde et se moque de toi. Chaque équipe a ses règles à elle, et des dois, on te refuse du papier toilettes parce qu’il est trop tard. On te dit: « reviens demain matin ».

L’avocat de la préfecture, quand je suis passé au tribunal, a dit que j’allais bien. Il a regardé un certificat médical en disant « tout va bien ». Mais comment peut-il savoir si je vais bien alors que je n’ai pas vu de médecin? »

F: « Je ne comprends pas. Je suis venu demander une protection. Je suis venu me mettre entre les mains de ce gouvernement (français). Je suis venu pour avoir la paix. Mais c’est ce gouvernement qui m’enferme. C’est la première fois que je suis en prison. Autant me laisser partir ailleurs. Je n’ai fait aucun crime, je n’ai rien fait pour être ici. Quitte à être enfermé ou torturé, autant que ce soit par les miens. »

M: « Ici, en France, j’ai plus peur du fait de ma situation administrative que quand j’ai traversé la mer (Méditerranée). J’ai insisté pour que cela soit dit au juge. »

LCD: Ok. Vous acceptez que l’on publie ces propos? En votre nom ou anonymement? 

F: « Bien sûr, il le faut. La voix des gens d’ici ne sort jamais des bâtiments. »

M: « Je veux bien que ce soit publié en mon nom. Je n’ai plus peur, de quoi devrais-je avoir peur? Ici c’est l’oppression, il faut lutter contre l’oppression. »

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Appel à se mobiliser contre les Centres de Rétention https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/06/06/appel-a-se-mobiliser-contre-les-centres-de-retention/ Wed, 06 Jun 2018 21:19:21 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=215 A celles et ceux qui nous disent «c’est la loi asile et immigration qu’il faut modifier», nous répondons: «c’est le CESEDA, Code des étrangers, du séjour des étrangers et de la demande d’asile, qu’il faut abolir»

A celles et ceux qui nous disent «c’est contre l’allongement de la durée de rétention qu’il faut lutter», nous répondons: «ce sont les Centres de Rétention qu’il faut faire fermer».

A celles et ceux qui nous disent «il faut des expulsions à visage humain», nous répondons «ce sont les déportations auxquelles il faut mettre fin, ou les policiers qu’il faut déporter».

Tout cela peut sembler bien extrême aux oreilles de celles et ceux qui ont des papiers. Pour celui ou celle, occidental.e, blanc.he., qui a voyagé où il.elle a voulu, qui s’est installé.e, sans jamais être inquiété.e pour ses papiers.

Mais le CRA est une réalité bien connue par telle travailleuse en France depuis un mois ou depuis quinze ans, sans papiers. Par tel demandeur d’asile qui vient d’arriver ou qui attend une régularisation depuis déjà 3 ans. En somme, toute personne qui n’a pas de papiers.

C’est une réalité bien connue, notamment par celles et ceux qui viennent de pays excolonisés, maintenant néocolonisés.

Parce que le CRA a gagné en banalité dans le quotidien de l’Etat français ce qu’il perd toujours comme violence reconnue dans le milieu militant anticarcéral, et même dans le milieu militant dans son ensemble, souvent trop sourds aux questions de racisme d’Etat et décolonisation.

Le CRA est une partie nonnégligeable du système carcéral. Il faut le dire: le CRA est une prison. Et au même titre que nous luttons pour la fermeture des prisons, nous luttons pour la fermeture des CRA. La lutte anticarcérale et pour l’égalité des droits ne saurait avoir d’angle mort.

Ce n’est d’ailleurs pas une institution isolée du système carcéral. Avec 50% d’étrangers dans les prisons franciliennes, le CRA est souvent la destination finale de la maison d’arrêt ou de la maison centrale. Après la détention, la rétention. Détenus puis retenus. Mécanisme de double peine: tu paieras pour ce que tu as fait et pour ce que tu es. Mécanisme instauré en 1945 car il est des corps qui ne méritaient pas d’être libérés, en France comme à Setif ou en Kanaky.

Enfermés parce que racisés, enfermés parce que pauvres, soumis au régime de déportation autant qu’à l’arbitraire de la violence policière à l’ombre des murs du CRA. Telle est la condition des étrangers illégalisés en France métropolitaine et surtout dans les dits Territoires d’Outre Mer. Aux indignés de la 25è heure, aux castors qui font barrage un dimanche tous les 5 ans, à celles et ceux qui ne font que signer des tribunes ou se révolter sur Facebook, aux députés aussi collaborateurs qu’ignorants, qui ont voté la loi ou qui ont fait mine de la déplorer, de découvrir que «maintenant on enferme les enfants», nous affirmons: «honte à vous». Qu’ils aillent rendre visite aux retenus et aux détenus, qu’ils se rendent compte que le nombre d’enfants en rétention a été multiplié par 7 de 2013 à 2017. Nous ne comptons plus les automutilations, les tentatives de suicide, les passages à tabac, en rétention et en déportation. Fautil autre chose pour qualifier la rétention de violence d’Etat? Violence d’Etat qu’ont subi Mohammed Moussa, drogué et expulsé au Soudan, M. algérien assassiné par la police dans un avion Air France au Danemark, Farhad, tabassé, Fettoumah, qui s’est jetée d’une sixième étage lors de sa rétention, hospitalisée et libérée parce qu’entre la vie et la mort pour que la police n’ait pas à en assumer le verdict.

Car ce n’est pas seulement tel coup de matraque dans un couloir vide qu’il faut dénoncer. C’est la complicité du système judiciaire, qui non seulement couvre la police, mais en plus établit la rétention et la déportation comme l’aboutissement normal de la vie d’un sans papiers en France, dans le chaînon triptyque de l’accueil à la française après la rafle.

Ce n’est pas seulement telle juge, Présidente de la Cour d’Appel de Paris, qui a décide de ne pas libérer plus de 3% de retenus par simple esprit de fascisme. Ou tel autre, Tony Skurtis, plutôt juge de la détention que de la liberté, qui enferme sans exception.

C’est le rôle de l’institution judiciaire comme force de légitimation, comme pratique finalement policière, par le contrôle qu’elle impose, la surveillance qu’elle exerce et les décisions qu’elle prend, qu’il faut dénoncer.

Dès lors, le mythe du «changer de l’intérieur» peut vite se transformer en collaboration réelle. S’il doit y avoir une présence en CRA, cette présence doit être handicapante, paralysante, et ne peut se situer que dans une perspective abolitionniste.

Il n’y a pas de CRA à visage humain. Encore une fois: ce n’est pas le coup de matraque qui fait la violence d’Etat. C’est le mur et ses barbelés. C’est l’avion et son escorte policière. C’est le tribunal et son juge raciste.

C’est le système, pas l’exception au système. C’est la structure, pas la bavure.

Aussi, nous allons au CRA chaque semaine. Nous allons au CRA comme nous soutenons la résistance palestinienne. Le lien n’est pas anodin: ce qu’il se passe à gaza aujourd’hui nous rappelle qu’Israel est première en matière d’expérimentation des techniques d’enfermement des populations indésirables et jugées dangereuses.

Aussi, le premier enjeu politique consiste à faire connaître la réalité du CRA et à soutenir les retenus. Rendre visite, écrire, se rendre disponible. Témoigner des réalités vécues derrière les barreaux.

Offrir la possibilité d’une parole politique à celles et ceux que l’on fait taire, traduire, imprimer, se faire l’écho et la base arrière des rébellions, des grèves de la faim et des mutineries. En somme, faire ce qui n’a pas été prévu, faire dérailler le wagon.

Le second enjeu consiste à mettre des cailloux dans les rouages pour que le wagon qui a déraillé ne puisse revenir sur le droit chemin. Manifester devant le CRA, faire des parloirs sauvages, exercer une pression constante sur la police, empêcher les avions de partir avec les retenus. Manifester dans les aéroports, pourrir les compagnies aériennes par des campagnes de dénonciation.

Alors seulement nous pourrons jeter les bases d’un mouvement anticarcéral abolitionniste.

La Chapelle Debout

16 mai 2018

Si vous souhaitez nous rejoindre dans la lutte, contactez nous sur le mail [email protected]

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Nercy du Honduras, « ¿ah sí? ¿hay gente que no sabe? » https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/06/04/nercy-du-honduras-ah-si-hay-gente-que-no-sabe/ Mon, 04 Jun 2018 16:31:49 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=223 On lui a demandé si elle voulait parler de son arrestation, du centre de rétention, on lui a dit beaucoup de gens ne savent pas ou ne veulent pas savoir comment en France on traite celles et ceux qui arrivent, les étrangères et étrangers, elle nous a dit « ha bon il y a des gens qui ne savent pas ? Moi je viens d’un petit pays, le Honduras, et tout le monde sait ce qu’il se passe, il faut que les gens sachent »

« Je ne comprends pas pourquoi je suis là. C’est un processus injuste, une succession d’irrégularités.

Ici les juges annulent un procès verbal parce que je ne l’ai pas signé, mais personne ne m’a dit de le signer. Ici les traducteurs ne traduisent que ce qu’ils veulent et quand ils veulent.

Je suis arrivée à l’aéroport de Paris avec tous mes papiers en règle, j’avais tous mes papiers, ils m’ont dit que je mentais, que ce n’était pas vrai que je venais pour faire du tourisme, que je venais pour travailler. Moi je n’ai rien dit, juste, « je ne parle pas français ».

C’est la seule chose que j’ai dite. Ils ont pris toutes mes affaires, mes valises et ne m’ont laissé que mes documents et mon téléphone.

Ils m’ont emmené dans un bureau, sur le bureau il y avait des papiers à signer, une personne arrive et ne se présente pas, elle me dit en français « signe », je lui demande pourquoi, elle me répète, « signe! ». La peur, la situation, je signe.

Quelques minutes plus tard je retrouve cette personne dans un autre bureau, elle est à côté d’un officier de police, on dirait un chef, je ne sais pas si c’est un chef, et elle se présente comme interprète.

Ils me lisent une déclaration en français, censé être ma déclaration, celle que j’ai signé quelques minutes plus tôt, alors que je ne parle pas français. Je redis que je ne parle pas français, le chef se lève et s’énerve et me dit que si je me rétracte c’est la prison.

« Vas y, écris ce que tu veux, je signe ! »

Il m’ont enfermée en ZAPI, là j’ai eu un premier vol que j’ai refusé en disant, non je veux voir un juge.

J’ai pris un avocat qui m’a couté cher, mais le juge ne m’a pas libéré. On m’a programmé un deuxième vol pour le Mexique… je viens du Honduras, j’ai refusé de prendre le vol, l’interprète m’a parlé au téléphone et m’a dit que si je refusais c’est un délit, j’ai refusé, il m’ont embarquée menottée au commissariat.

Là, les flics m’ont tout enlevé, les élastiques qui étaient dans mes cheveux, ils ont cassé mes sandales, enlevé mon soutien-gorge, ohlala quelle honte, la police qui passe en portant mon soutien-gorge dans les mains. La nuit enfermée dans le sous-sol du commissariat, je n’ai pas pleuré, parce qu’il fallait être forte. J’ai fait 24 heures au commissariat dans la cellule et ils m’ont amenée ici (au Centre de Rétention Administrative du Mesnil-Amelot au plus proche de l’aéroport Charles De Gaulle).

Je suis passé une première fois devant le juge, celui qui est juste à côté (le JLD), c’est lui qui a annulé parce que le procès verbal n’était pas signé. Puis on m’a amené dans un autre tribunal, à Paris (le TA), j’y ai perdu aussi. La traductrice, c’était une femme cette fois-ci, m’a dit de ne pas dire que la police ment si non la juge va s’énerver, la juge aussi c’était une femme. On été 6 comme moi, elle n’a libéré personne.

J’ai pris une avocate, Emperatriz Aguirre, elle vient du Pérou ou du Chili, elle a pris la moitié de l’argent et elle s’est barrée. Elle a arnaqué beaucoup de personnes ici.

La nourriture est mauvaise, mauvaise-mauvaise, je ne mange que les légumes et des fruits.

Les flics ici sont cordiaux, ils sont calmes. Ici ça va, c’est pas la même violence que les flics de l’aéroport.

À l’aéroport ils se foutaient de notre gueule. Quand il y en avait une de nous qui avait un vol forcé, on se prenait dans les bras pour lui donner du courage, ils riaient et nous imitaient (gnagnagna)… ils sont très racistes les flics de l’aéroport.

Ici j’avais une amie du Salvador, elle a été libérée, c’est bien pour elle, il y a aussi des cubaines, des colombiennes, trois qui ont été arrêtées à l’aéroport, toutes la même histoire que la mienne … ils ont pensé que c’était un réseau, mais on vient pas du même pays … c’est pas parce qu’on parle toutes espagnol … ils devaient être fier d’être tomber sur un réseau « international » …

J’ai réussi à parler à mes enfants, je n’ai pas dit que j’étais ici, c’est pas possible, c’est dur, c’est très dur.

En espagnol:

Le preguntamos si ella quería hablar de su arresto, del centro de retención. Le dijimos, muchas personas no saben o no quieren saber cómo se trata en Francia a las y los que llegan, extranjeras y extranjeros. Ella nos dijo « ¿ah sí? ¿hay gente que no sabe? Yo vengo de un país pequeñito, Honduras, ahí todo el mundo sabe lo que pasa, acá la gente tiene que saber »

« Yo no entiendo porqué estoy aquí. Es un proceso injusto, una irregularidad trás otra.

Acá los jueces me anulan un proceso verbal porque no lo firmé, pero a mí nadie me dijo que tenía que firmar nada. Acá los traductores traducen lo que quieren y cuando quieren.

Llegué al aropuerto de Paris con todo mis papeles en regla, tenía todos mis papeles, ellos me dijeron que yo estaba mintiendo, que no era cierto que yo venía de turista, que yo venía a trabajar. Yo no dije nada, solamente « yo no hablo francés »

Es lo único que dije. Tomaron mis cosas, mis valijas y me entregaron sólo mis documentos y mi teléfono.

Me llevaron a una oficina, sobre el escritorio había unos papeles, una persona llega y sin presentarse me dice en francés « signe » (firma), yo le pregunto por qué y me repite « signe! ». El miedo, la situación, yo firmo.

Minutos más tarde esta persona está en otra oficina donde me llevan, está al lado de un oficial de la policía, yo diría un jefe, pero no sé si era un jefe, y ahí la persona se presenta como intérprete.

Me leen una declaración en francés, supuestamente la declaración que yo firmé unos minutos antes, siendo que yo no hablo francés. Le vuelvo a decir que yo no hablo francés, el jefe se levanta bruscamente y se enoja, y me dice que si me retracto me voy a la cárcel.

« Dale, quieres que firme, te firmo… »

Me encerraron en la ZAPI (zona de espera para personas en instancia jurídica), ahí me dan un primer vuelo que yo niego diciéndoles que quería ver un juez.

Contraté un abogado que me costó caro, pero el juez no me liberó. Me programaron un segundo vuelo a Méjico… Pero yo vengo de Honduras, me negué a tomar el vuelo, un intérprete me habló por teléfono y me dijo que si me negaba cometía un delito, yo me negué, y me llevaron esposada a la comisaría.

Ahí los policías me sacaron todo, el elástico del cabello, me rompieron las sandalias, me hicieron sacar el brasier, ¡ay qué vergüenza, la policía que pasea con mi brasier en sus manos! La noche, encerrada en el subsuelo de la comisaría, yo no lloré, porque tenía que ser fuerte. Estuve 24 horas en la celda de la comisaría y luego me trajeron aquí (al CRA, centro de retención administrativa).

Pasé por primera vez delante de un juez, el de aquí al lado (JLD, juez de libertades y de la detención), él es quién anuló el proceso verbal que yo no firmé. Luego me llevaron a otro tribunal en Paris (TA, tribunal administrativo), ahí perdí también. La traductora, una mujer esta vez, me dijo que no se me ocurriera decir que la policía mentía porque eso iba a enojar a la jueza. Eramos 6 en la misma situación, ella no liberó a ninguna persona.

Contraté una abogada, Emperatriz Aguirre, que viene de Perú o de Chile, me pidió la mitad del dinero y se marchó. Ella ha estafado a varias personas aquí.

La comida es mala, mala-mala, yo como sólo las frutas y verduras.

Acá la policía es cordial, calmados, acá está bien, no es la misma violencia que la policía del aeropuerto.

En el aeropuerto se reían de nosotras. Cuando una chica estaba forzada a tomar un vuelo, nos abrazábamos para darnos coraje, ellos (los policías) se reían y nos imitaban (ña ña ña..)… son bien racistas los policías del aeropuerto.

Acá yo tenía una amiga del Salvador, la liberaron, estoy feliz por ella, también hay, colombianas, tres que fueron arrestadas en el aeropuerto, todas la misma historia que yo… Pensaron que éramos una red, pero no venimos del mismo país… no es porque hablemos todas español es que vengamos de donde mismo… o acaso deberían estar orgullosos de caer sobre una red « internacional »

Logré hablar con mis hijos, no les dije dónde estaba, es imposible. Es duro, es muy duro ».

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Nagmeldin, réfugié HCR darfouri: récit de rétention et de déportation https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/05/20/nagmeldin-refugie-hcr-darfouri-recit-de-retention-et-de-deportation/ Sun, 20 May 2018 15:18:24 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=187 Le 24 février 2018, Nagmeldin est placé en Centre de Rétention Administrative de Vincennes. Il est arrivé quelques jours plus tôt du Soudan à l’Aéroport Charles de Gaulle, exfiltré par des humanitaires du fait du danger qu’il encourait dans son pays. Immédiatement placé en zone d’attente, il y n’y passe que quelques jours. Au cours de sa rétention, il subira 5 tentatives de déportation, toutes empêchées par sa résistance dans l’avion, celle des passagers et l’action de la Brigade Anti-Déportation. Et cela, au mépris de sa demande d’asile en recours à la Cour Nationale du Droit d’Asile. Il sort au bout de 45 jours, le 10 avril, car la police n’a pas réussi à le déporter. Nous reproduisons ici des textes écrits lors de son incarcération, par M., militante de la Chapelle Debout, et surtout par Nagmeldin depuis sa cellule en rétention. 

 

Texte de Nagmeldin

Je m’appelle Nagmeldin Hamdon, je suis un enfant du Darfour, du Soudan. J’ai beaucoup souffert et été menacé par la guerre au Soudan du fait du gouvernement et des mouvements armées Janjawid. Et par le passé on a assassiné beaucoup de membres de ma famille et des proches, morts dans la guerre au Darfour. On a été chassés après avoir détruit notre village et les lieux de notre enfance. On a été jetés dans les bras d’associations qui nous aidaient à obtenir la santé et l’éducation. Mais jusqu’à maintenant je n’ai pas de possibilité de m’installer dans mon pays. Je ne peux aller chez moi car on ne peut pas faire confiance à ce gouvernement. Je viens d’une tribu __, qui lutte au Darfour contre le gouvernement. Je jure au nom de Dieu que si jamais j’étais déporté au Soudan je serais tuée, que mon corps disparaîtra sans qu’aucun membre de ma famille ne le sache. Il faut savoir que le gouvernement soudanais torture, emprisonne et tue toute personne venant du Darfour. Le fait même de venir de là-bas constitue un acte d’accusation.

C’est pour ça que j’espère de l’aide des organisations qui luttent en France contre les déportations.

Je vous jure que je suis opprimé et seul, personne n’est là pour m’aider. Ô toi le monde ! Hier j’ai été arrêté par le gouvernement soudanais et enfermé deux fois dans la prison de Kouber. Si je retourne en prison je sais que je serai placé dans un quartier spécifique pour les personnes « évadées ». Et aujourd’hui depuis mon premir jour en France je suis en prison et seul, ce qui m’aide c’est le professeur M., le grand frère M. et le frère Houssam. Je n’ai pas de mots pour les remercier. Depuis le 15 février je suis

je demande à tout le monde de refuser ma déportation et d’être à mes côtés pour que l’on arrête de déporter des gens au Soudan. Je suis venu en France parce que des organisations françaises m’aidaient là bas et que je me disais qu’il y avait les droits de l’homme, aujourd’hui je sais que c’est un mensonge. Je vis des situations terribles en prison comme si j’étais un criminel, mais je suis juste un demandeur d’asile. Ici c’est difficile, il y a des criminels partout et la police ne fait rien. On se fait tapé par des georgiens, la police rigole et ne fait rien. Ils m’ont volé de l’argent, j’ai montré qui était le voleur à la police et on m’a frappé. Quand on dort on a peur d’être reveillé pour nous déporter, on peut pas dormir en paix, j’ai jamais été aussi peu en sécurité de toute ma vie. Ca fait 28 ans que mon père et ma mère sont séparés – ils ont divorcé. Où est le monde dans cette souffrance ? Je vous supplie de vous tenir debout à mes côtés, toutes les organisations solidaires d’être présentes dans ces jours sombres. Depuis mon france je suis opprimé par le gouvernement français. Il m’a volé 500 euros et 200 dollars ; à cause de l’avocat commis d’office A. Mekano. La police m’a juste dit « rentre dans le fourgon » et donné le numéro de téléphone de l’avocat. J’ai porté plainte avec l’association ASSFAM.

Je cherche la liberté personne ne se préoccupe e ma (15mn)

Je ne connais qu’une seule chose en France, où sont les droits de l’homme, j’ai toutes les preuves qui prouvent que je viens d’un camp de réfugiés

honte à vous

Toutes les organisations françaises et internationales étaient au camp, ils savent ce qui s’y passe.

venez me voir en prison

ô monde ressentez ce que je vis

 

Texte de M. datant du 23 mars

Depuis 27 jours Nagmeldin pourrit dans une prison pour non blanc.hes. Dans l’attente, avec des centaines de camarades marocain.es, égyptien.nes, algérien.Nes, ou croates dont la plupart disparaissent pendant la nuit, sur des vols « cachés » comme on dit. Ils et elles ont été arrêté.es au guichet d’une préfecture ou au comptoir d’une banque ; en sortant du métro ou sur le trottoir où ielles dormaient.

Dans cette prison, ce qu’ils appellent le parloir, c’est une pièce blafarde dans un préfabriqué, où visiteur.es et retenu.es sont aligné.es sur des tables devant les flics. Ils prennent leur pause déj’, se racontent leurs plans cul, parlent en arabe ou en espagnol pour faire savoir ou croire qu’ils écoutent et comprennent. Alors il faut chuchoter, retenir les larmes et rire un peu trop fort.

De la France, Nagmeldin n’a rien vu d’autre qu’un hôtel à l’aéroport Charles de Gaulle, un trou de rétention au commissariat du même aéroport et aujourd’hui la prison de Joinville. Lui aussi se fait donc « une certaine idée de la France ».

Il vient de Kalma, l’un des plus grands camps de réfugié.es au monde, une prison à ciel ouvert qu’encerclent et où parfois interviennent, les autorités soudanaises et leurs milices. Contre leurs meurtres, des exilé.es militant.es soudanais.es manifestaient encore récemment (septembre 2017) à Paris.

A Kalma, l’image de la France et de l’Europe c’étaient les actions d’organisations qui participent de la régulation et l’économie d’espaces à la fois concentrationnaires et « sanctuaires ».  C’est avec l’une de ses organisations qu’il a pu venir légalement en France mais c’est l’Etat français qui l’arrête le lendemain de son arrivée en prétextant que la durée de son hébergement ne correspond pas à la durée de son visa. On apprend à cette occasion que c’est une pratique courante pour justifier la rétention.
A l’OFPRA on lui rétorque que certes il est bien darfouri mais que ça ne mettrait pas pour autant sa vie en danger à Khartoum. On met aussi en doute le fait qu’il soit venu avec de « vrais » papiers : pourquoi, dans ce cas a t il été arrêté ?

Sa procédure de demande devant l’OFPRA est ainsi bouclée et bâclée en quelques jours. Commence alors une nouvelle attente, puisqu’il dépose un recours devant la CNDA mais ce recours n’est pas suspensif, et ce qu’on attend toutes et tous, c’est son prochain vol.

Car N. a déjà eu un vol depuis la zone d’attente, et deux depuis le CRA de Vincennes. Il a résisté à tous. A deux jours de la fin de sa rétention, on apprend qu’il en a un autre le soir même et on est sûr.es que cette fois il y aura une escorte déterminée à le faire partir.

Quelques phrases écrites juste après son dernier soir de rétention, où il a subi la dernière tentative de déportation. 

Dans l’avion, tous les passagers étaient debout à ses côtés, à l’exception notamment d’une ancienne d’Amnesty, qui nous a dit qu’elle ne ferait rien parce qu’elle « part en mission ».

On sait que N est descendu de l’avion mais jusqu’au lendemain impossible de le joindre. On devine donc qu’il a été placé en garde à vue, probablement pour « soustraction à une mesure d’éloignement ». C’est comme ça qu’on désigne la résistance aux injonctions des flics et des préfs, et que l’on acte que l’étranger n’est jamais plus criminel que lorsqu’il tente de se désister de ce statut d’étranger.

Effectivement, Nagmeldin a été placé en GAV le soir même, avec à la clé une comparution immédiate. Une report a été demandé et accepté, mais il est sous contrôle judiciaire jusqu’à l’audience. 

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M. B., en grève de la faim depuis 27 jours au CRA de Vincennes https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/05/15/m-b-en-greve-de-la-faim-depuis-27-jours-au-cra-de-vincennes/ Tue, 15 May 2018 14:29:58 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=208 M. B, guinéen de 58 ans est enfermé au centre de rétention de Vincennes le 13 avril. Deux jours plus tard, il débute une grève de la faim. Il nous parle ici de son quotidien en Centre de Rétention Administrative, pris dans des politiques européennes d’enfermement, d’expulsion et de gestion des corps.

 

Contre le règlement Dublin III. Contre l’enfermement et l’expulsion des étrangers.

M. B, guinéen de 58 ans est enfermé au centre de rétention de Vincennes le 13 avril. Deux jours plus tard, il débute une grève de la faim. Son corps est l’unique et ultime outil dont il dispose pour protester devant l’Etat français et l’Union Européenne contre son enfermement et sa prochaine expulsion vers l’Italie. Il boit de l’eau et du jus de fruit une fois par jour et refuse toute nourriture ou médicament. Son enfermement se terminera légalement le 27 mai prochain. Entre temps, il risque une expulsion à tout moment. M. B a quitté la Guinée Conakry en 2007 pour des raisons de santé et arrive en France en janvier 2014. Il est d’abord débouté d’une demande de titre de séjour pour raison médicale avant de demander l’asile en septembre 2016. M. B est un « dubliné » ; c’est l’Italie qui est responsable de sa demande d’asile, ses empreintes digitales ayant été prises une première fois là-bas. Les empreintes digitales sont au cœur de la politique européenne du droit d’asile : le règlement Dublin III pose pour principe que toute demande d’asile soit obligatoirement effectuée dans le premier pays signataire de l’accord où la personne a été enregistrée. M. B. livre un témoignage de son quotidien en centre de rétention administrative, pris dans des politiques européennes absurdes d’enfermement, d’expulsion et de gestion des corps.

Propos recueillis entre le 15 avril et le 11 mai 2018, pendant l’enfermement de M. B.

– Êtes-vous d’accord pour témoigner malgré un potentiel risque de représailles sur vous dans le centre ?

« Je suis d’accord pour qu’on diffuse mon témoignage. Tout le monde va comprendre et c’est pour ça que je fais la grève de la faim. »

– Pourquoi faites-vous la grève de la faim ?

« On m’a enfermé le 13 avril. J’ai commencé ma grève de la faim 2 jours après. C’était il y a 27 jours. Je vais mal. Je fais la grève de la faim parce que je ne veux pas aller en Italie. Pourquoi ils veulent m’emmener là-bas ? Je ne comprends pas l’italien. Je parle français et je veux travailler ici. »

– Quel est votre parcours depuis la Guinée ? 

« Je suis en France depuis janvier 2014. J’étais agriculteur à Télimélé en Guinée-Conakry. J’ai décidé de partir en Europe parce que j’étais malade. J’ai vu des médecins là-bas mais ils n’ont rien fait alors j’ai décidé d’aller en France. J’ai quitté la Guinée en 2007. J’ai traversé le Mali, le Burkina, le Niger. Puis j’ai pris un bateau en Libye pour arriver en Italie. Ils ont pris mes empreintes là-bas sans m’expliquer pourquoi ».

– Comment avez vous été arrêté ? 

« À mon arrivée en France, je vivais à porte de la Villette, dans une tente la plupart du temps. Un bus de la brigade d’assistance aux personnes sans-abri venait parfois, pour nous héberger le temps d’une nuit à Nanterre. J’ai d’abord essayé de faire une demande de séjour pour soin mais ça n’a pas marché. Ensuite j’ai demandé l’asile en septembre 2016 mais on me l’a refusé. On m’a donné rendez-vous à la préfecture de police à Cité (Paris), et on m’a arrêté là-bas. Je ne savais même pas pourquoi on m’avait donné ce rendez-vous parce que je n’ai pas étudié, donc je ne sais pas lire. Je n’ai pas compris. »

– Comment se passe votre quotidien au Centre de Rétention ? 

« À mon arrivée, j’ai dormi pendant 10 jours dans la cour du centre, dehors. Je voulais montrer que je faisais la grève de la faim, et que je voulais être à l’extérieur, pas enfermé. À l’intérieur, il y avait une odeur irrespirable qui me faisait tousser. Ici, partout où tu es, il y a quelque chose qui fait mal. Dans la chambre, dans la cour, tu es mal. Je ne comprends même pas pourquoi ils ont créé ce centre. Il y a beaucoup de stress, parce que tout le monde en a marre. Les policiers ne nous parlent pas. Ils emmènent les gens qui se blessent à l’infirmerie. Il y a souvent des blessés ici. Moi je refuse de prendre des médicaments. Je ne suis pas ici pour avoir des médicaments. Ils n’ont qu’à me faire sortir de prison ! On m’a amené par la force. Ce n’est pas mon choix de rester ici. Je prends des médicaments dehors, pas dans une prison ! »

– A-t-on tenté de vous déporter ? 

« Ici, ils affichent la liste des vols à 22h le soir pour le lendemain. J’avais un vol prévu le 24 avril mais ce jour là on ne m’a pas appelé. Le 7 mai, à 8 heures du matin, sans avoir été prévenu, les policiers sont venus me chercher. Ils m’ont fait monter dans un camion avec des détenus soudanais. On est arrivés à un aéroport, puis on nous a fait monter de force dans un petit avion à 10 heures 30. J’étais menotté dans le dos, les policiers m’ont porté dans l’avion et m’ont déposé sur un siège. Il n’y avait pas de passagers, juste des détenus et des policiers. L’avion a décollé, puis après environ 40 minutes de vol, nous avons atterri à l’aéroport du Bourget, vers 11 heures 30. Nous avons alors attendu quelques heures à l’aéroport avant que la police nous ramène au centre de rétention, sans explication. Pour le moment je ne sais pas si je vais avoir un autre vol. Il y a des vols cachés souvent, je peux être déporté n’importe quand. »

– Voulez-vous ajouter quelque chose ? 

« Je fais la grève parce qu’on m’a arrêté et on va m’expulser et je ne veux pas. Je n’ai rien en Italie. Je veux montrer que la situation dans laquelle je suis c’est un problème, que je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas un lieu pour les immigrés ! »

Paris, le 11 mai 2018

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« Lettre appelant à la responsabilité des directrices et directeurs des Centres de Rétention Administrative » https://collectifsanticra.wordpress.com/2018/04/05/lettre-appelant-a-la-responsabilite-des-directrices-et-directeurs-des-centres-de-retention-administratif/ Thu, 05 Apr 2018 21:17:39 +0000 http://collectifsanticra.wordpress.com/?p=172 APPEL À SIGNATURE

« Lettre appelant à la responsabilité  des directrices et directeurs des Centres de Rétention Administrative» 

En annonçant l’augmentation de la durée maximum légale de rétention des personnes dites en situation « irrégulière », le gouvernement assume que l’enfermement des étrangères et des étrangers est un mode de gestion des politiques migratoires. Ce n’est pas une nouvelle mais un changement significatif de degré et c’est à inscrire dans la «carcéralisation» de la politique sociale.

La mise en place et/ou le renforcement d’un système carcéral est une gestion politique et sociale des pauvres et des étranger.ère.s. La prison, la maison d’arrêt, le centre de détention pour mineur.e.s, le centre d’hébergement fermé, le centre de rétention administrative sont fait pour « gérer » celles et ceux qui doivent accepter l’enfermement comme une dimension ordinaire de leur vie sociale. Les dispensables (indésirables ?) et les triables sont d’abord les pauvres, les racisé.e.s et les étranger.ère.s.

L’enfermement dévore les richesses sociales et les êtres, et reproduit précisément les conditions qui conduisent les personnes à être enfermées. Un.e migrant.e enfermé.e ou vivant sous la menace constante de son enfermement est condamné.e sans autre forme de procès à une illégalité de fait et à son corollaire, la clandestinité.

Face à l’écrasante machine de la rétention et à l’absence de soutien extérieur, comme outil de lutte ou comme des formes de résignation, il ne reste souvent à celles et ceux qui sont derrières ces barreaux que la folie ou la mutilation.

Ainsi, lutter contre le système carcéral commence par briser les murs des prisons, symboliquement et concrètement : aller voir ce qu’il se passe derrière les murs et les barbelés, dénoncer toutes les formes de détentions, les violences physiques et psychologiques, dénoncer et mettre au ban toutes les collaborations, entendre et se faire l’écho des paroles politiques de celles et ceux qui y sont enfermé.e.s, soutenir leurs actes de résistances, les faire sortir par tous les moyens possibles et qu’ils et elles réintègrent l’espace du commun avant que nous perdions définitivement tout sens commun.

Les 15 mars et 30 mars dernier, lors de rassemblements devant le Centre de Rétention Administrative du Mesnil-Amelot, antichambre des expulsions située à quelques encablures de l’aéroport Charles De Gaulle, nous nous sommes fait l’écho d’un mouvement de résistance des détenu.e.s. Nous y avons dénoncé des cas de violences graves et de répressions qu’ils et elles subissaient particulièrement depuis plusieurs semaines. Lors de parloirs sauvages avec d’autres exilé.e.s en lutte à Paris 8 et ailleurs, avec les camarades de la CSP75, les détenu.e.s ont pu exprimer leur révolte, leur colère et leurs espoirs dont nous rendons compte régulièrement sur le site InfoCRA (https://collectifsanticra.wordpress.com).

Lors de ces rassemblements nous avons adressé une lettre aux directrices et directeurs des Centres de Rétention Administrative dans laquelle nous en appelions à leur responsabilité.

Nous revendiquons ainsi, que le fait de remettre en question une politique d’état inique ne dédouane pas à nos yeux les individu.e.s qui sont volontaires pour appliquer cette politique et qui laissent s’installer voir cautionnent des traitements inhumains et dégradants (qualification institutionnelle et de DH) qui dans d’autres circonstances seraient qualifiés de tortures.

Cette lettre est restée sans réponse directe, mais nous avons su, comme d’autres avant nous, que l’équilibre carcéral pouvait vaciller ; que les murs n’étaient pas si difficiles à faire tomber, et que le temps d’un rassemblement et d’une interpellation collective, l’étau de la répression pouvait se desserrer.

Mais ça ne suffit pas, il nous faut continuer, même au prix de ce que certain.es associatif.ves, manifestement enfermé.e.s dans une lutte pour les droits universels de l’homme blanc, et qui sont en voie d’étatisation, seraient tenté.e.s d’appeler une « radicalisation inquiétante »*. Nous répondons à celles et à ceux-là que nous préférons être radicaux à leurs yeux qu’inconséquent.e.s aux yeux de nos compagnes et compagnons de luttes. 

La radicalisation que nous dénonçons est celle d’un état qui fait de l’enfermement un des piliers de «  la protection », une protection contre toutes les menaces de dérèglements politiques, sociaux ou sécuritaires. Une protection autant illusoire qu’abstraite, puisque personne ne veut savoir ce qu’il se passe dans ces lieux d’incarcération, comme personne ne veut savoir ce que la police fait ou laisse faire dans les manifestations, dans les amphithéâtres des facultés de droit ou dans les quartiers.

Nous en appelons donc aux responsabilités de celles et ceux qui voient et veulent continuer à voir, de celles et ceux qui n’ont pas peur de nuire à tous ceux qui nous tuent.

POSEZ VOTRE SIGNATURE AU BAS DE LA LETTRE APPELANT À LA RESPONSABILITÉ DES DIRECTRICES ET DIRECTEURS DES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE.

REJOIGNEZ-NOUS !

LA BRIGADE ANTI DÉPORTATION – LA CHAPELLE DEBOUT !

POUR SIGNER LA LETTRE EN PIÈCE JOINTE ICI ENVOYEZ UN MAIL À [email protected]

* comme nous avons pu le découvrir dans une liste de diffusion interne datée du 15 mars 2018

 

Mme Françoise Ciron, Directrice du CRA 2 du Mesnil-Amelot

Mr William Leriche, Directeur du CRA 3 du Mesnil-Amelot

Mr Bruno Marey, Directeur des deux CRA de Paris

Paris – Vincennes et Paris – Palais de Justice

Mr Laurent Destouesse, Directeur CRA de Palaiseau

Mme Virginie Coët, Directrice du CRA de Plaisir

Mme Fauchard , Directrice du CRA de Cité

 

Paris le 30 mars 2018

  

Madame, Monsieur,

 

Ces dernières semaines nous avons eu connaissance de plusieurs cas de « violences graves » et de maltraitances dont ont été victimes des hommes et des femmes retenu.e.s dans les Centres de Rétention Administrative dont vous avez la gestion : 

·       Des cas de tentatives de suicides qui malgré les alertes des autres détenu.e.s n’ont été suivies d’aucun effet ni d’aucune attention particulière.

·       Certain.e.s de nos militant.e.s ont pu être témoin de refus de parloir violent qui ont été suivi de coups répétés de la part des agents de police.

·       Les cas de celles et ceux qui après avoir porté plainte contre des violences policières avérées et devant témoins se retrouvent en détention provisoire.

·       Des cas de personnes contraintes à des expulsions forcées alors qu’elles avaient ingéré des lames de rasoirs.

·       Des cas de personnes malades et en détresse qui ne reçoivent aucun soin de la part du personnel médical du centre de rétention et que les policiers ne manquent pas de maltraiter.

·       Des cas de personnes qui suite à des malaises et à des tentatives d’auto mutilation, manifestement dus à leur enfermement, ont été déclarées « aptes à l’isolement » par les médecins du centre de rétention et placées parfois 18H dans une cellule, masquées, bras et pieds entravés.

 La liste est longue et s’allonge chaque jour et parce que nous sommes pour la suppression des systèmes carcéraux mis en place par les autorités à l’égard des personnes étrangères, et que nous revendiquons une liberté de circulation et d’installation, nous croyons également à la responsabilité des personnes en charge du bon fonctionnement de ce système que nous dénonçons.

Le fait de remettre en question une politique inique ne dédouane pas à nos yeux les individu.e.s qui sont volontaires pour appliquer cette politique et qui laissent s’installer voir cautionnent des traitements inhumains et dégradants qui dans d’autres circonstances seraient qualifiés de tortures.

Nous pensons que vous avez à rendre compte en tant que directrices et directeurs de ce qui se passe à l’ombre de vos murs.

Nous pensons que la parole des détenu.e.s jamais crue et jamais entendue dans les tribunaux, doit être portée sans mesure ni réserve.

Les témoignages s’accumulent et rien ne laisse à penser que les cas pour lesquels nous avons manifesté les jeudi 15 mars 2018 et vendredi 30 mars 2018, et pour lesquels nous manifesterons encore, soient des cas isolés ou de simples bavures. Ils ne sont que les conséquences du système que nous dénonçons.

Bien qu’individuellement nous mettrons tout en œuvre pour aider les personnes victimes de ces violences à faire valoir leurs droits auprès des instances compétentes, ce n’est pas dans un esprit de « justice » que nous sollicitons un rendez-vous mais dans l’espoir que vous saurez saisir l’occasion qui vous est donnée de reconnaître ce qui ne peut ni être toléré ni cautionné dans un état de droits.

Nous venons ni négocier ni parlementer mais réclamer de votre part les seuls gestes possibles face à de telles exactions, une écoute, une prise en compte, des mesures significatives et si rien de tout cela n’est à votre portée, une démission qui serait l’ultime geste recevable.

 

Dans l’attente d’une réponse favorable, soyez assuré.e.s, Madame, Monsieur, de nos sentiments les meilleurs.

 

Très Cordialement

 La Chapelle Debout !

Brigade Anti Déportation

Premières et premiers signataires :

Paris D’Exil

Association Culturelle des travailleurs immigres de Turquie

Georgette Mennessons

Odile Henry, sociologue, université Paris 8

Le CLAC, Collectif de Lutte AntiCapacitiste

Didier Epsztajn, animateur du blog entre les lignes entre les mots

Dominique Curet, ingénieur retraité

Ji young KIM

   김지영

Marion Siéfert, metteuse en scène

Dominique Faluomi

Marie Le Menes

Chloé Guerber-Cahuzac

Anne-Marie Malibert, citoyenne retraitée

Brigitte Gaiffe, française résidente et militante auprès des migrants détenus en Belgique

Autremonde, association de solidarité

Olivier Barlet, Africultures, directeur des publications

Alexandra Scappaticci-Martin, journaliste

Erika Koenig, avocate

Valerie Massadian – cineaste

Reine Prat, agrégée de lettres et ex-haute fonctionnaire au ministère de la culture

Lettry Boris, ouvrier sans emploie actuellement

Emilie Lea Rodière

Florence Tissot

Béatrice Boubé

Jean-Pierre Martin, Ensemble

Yohanan Benhaim, doctorant et enseignant de science politique à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Anne SOURIAU-LAURENT

Olivier LAURENT

Sophie Leleu

Théotime Charrier 

Antoine Arville

Section SNMD-CGT de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration

Saïda BENAYAD

Martine Blanchard, professeure retraitée

Nadine Mahé

La Pride de Nuit

Brigitte Guerber-Cahuzac. infirmiére retraitée ancienne MSF

Camille Jobin

Roman KRAKOVSKY, Associate Researcher, CERCEC (EHESS) and IHTP (CNRS)

Odile Hélier

Lynda Sifer Rivière

Erwan Menard

Emilie Bahuaud

Florence Smidt-Nielsen, Juriste – Droit d’asile

Elisabeth Zucker, démographe. LDH , CGT

Sandra Nicolle Bracho, photographe-infographiste

Evelyne Perrin, association Sang pour Sans ( Champigny sur Marne)

Omar Slaouti, militant antiraciste

Olivier Besancenot, porte parole du NPA

Eric Coquerel, député France Insoumise

Michel Sanciaud, President d’Attac 65

Monique Sanciaud

Christian MASSON

Lydie Labat

Catherine Veillon-Guilloux Fondatrice/Archiviste du Cercle Louis Guilloux

Tous les membres du Cercle Louis Guilloux

Nina Hetmanska pour l’association Mahassine, association qui agit auprès des exilés, à Paris

Marie-France Cohen-Solal

Klara Deluze

Bijan Rastegar au nom du collectif des iraniens contre la guerre

Danièle Touati

Vincent Mazzone, millitant syndicalistes et France insoumise

Valérie Bourguignon, Citoyenne solidaire (Solidarité Migrants Wilson)

Myriam Hélène Pignal

Béatrice Fujimura, retraitée

Éric Poisson

Jean-Francois Guillon

La CSP75

El baz ali militant associatif

Helena CERMAKOVA

Docteur Jean Paul CHARDON

Antonin Watenberg, individu collectif

Serge Seninsky, retraité

Arno Bertina

Céline Mainguy

Valérie Osouf

Martine NAWRAT, PLANNING FAMILIAL

Maryse Doess

Laura Ghattas

Joao dos Santos

Laurent Lemaire

Tifany Zarria – Service Civique en Zone d’Attente pour Personne en Instance de Roissy

Front Social 75

Le Genepi

Florine Le Bris, critique cinéma

Collectif Solidarité migrant.es Paris Centre

Marie-Christine Callet

Marie-France Coullet

Anne-Charlotte Gandziri

Marie Fauque-Lemmet

l’Autre Quotidien

Guy Muyard

Sarah Dinelli

Jérôme Soldeville, conseiller municipal, Grenoble

Christine GUILLOTIN

Jocelyne Clément, psychologue clinicienne, formée au psychotraumatisme et à la clinique de la migration

Danièle Obono, Députée de Paris (17e circonscription) – Groupe « La France insoumise »

Thierry Fossaert

Mme Carmignani Coralie

Nathalie LICHTENSZTEIN COMBASE, chef d’établissement à la retraite, Insoumise

Muriel HASCOËT-GUÉHO 

Alexandre CHARLET, acteur

Pierre Rode 92310 Sèvres

Max Floridia

Catherine Fabre

Emma Delouvrié

Malou SIX, étudiante 

Juliette Keating

Laurence Bondard

Marianne Madoré

Fabienne Guicheneuy

Florian Bonnefoi, militant et associatif

UJFP (Union Juive Française pour la Paix)

 

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