Individualisme (Anarchisme-égoïste) – Manuel Devaldès

N. B. — Cet exposé de l’individualisme égoïste de philosophie stirnérienne est le résumé de mes Réflexions sur l’Individualisme écrites vers 1900 et publiées en 1910. Comme on le verra par l’étude que je donne plus loin sur le Socialisme individualiste [pages 1002 à 1004 de L’Encylopédie Anarchiste (pdf), 1934], je me suis, depuis, détaché de cette tendance, tout en demeurant, selon moi, foncièrement individualiste. — M. D.

INDIVIDUALISME (Anarchisme-égoïste)

[L’Encyclopédie anarchiste, pp. 992-998]

Il est peu de mots qui soient, plus diversement interprétés que celui d’« individualisme ». Il est, par suite, peu d’idées plus mal définies que celles représentées par ce vocable. L’opinion la plus répandue et que les ouvrages d’enseignement populaire se chargent, de confirmer, c’est que l’individualisme est un « système d’isolement dans les travaux et les efforts de l’homme, système dont l’opposé est l’association ».

Il faut reconnaître en cela la conception vulgaire de l’individualisme. Elle est fausse et, en outre, absurde. Certes, l’individualiste est l’homme « seul », et on ne peut le concevoir autre. « L’homme le plus fort est l’homme le plus seul », a dit Ibsen. En d’autres termes, l’individualiste, l’individu le plus conscient de son unicité, qui a su réaliser le mieux son autonomie, est l’homme le plus fort. Mais il peut être « seul » au milieu de la foule, au sein de la société, du groupe, de l’association, etc., parce qu’il est « seul » au point de vue moral, et ici ce mot est bien synonyme d’unique et d’autonome. L’individualiste est ainsi une unité, au lieu d’être comme le non-individualiste une parcelle d’unité. Mais la grossièreté des incompréhensifs n’a pu voir la signification particulière de cette solitude, ce qu’elle a d’exclusivement relatif à la conscience de l’individu, à la pensée de l’homme ; elle en a transposé le sens et, dans son habitude du dogmatique et de l’absolu, l’a attribué aux actions économiques de l’individu dans le milieu social, faisant de lui un insociable, un ermite, — d’où le mensonge et l’absurdité de la définition précitée. Que l’on dise « seul » avec Ibsen, ou « unique » avec Stirner, pour caractériser l’individualiste, les béotiens adopteront la lettre et non l’esprit de ces vocables.

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